Sur cette question, un large consensus existe dans un pays attaché à la création d’un État palestinien au côté d’Israël pour régler le vieux conflit. « L’opinion publique est très pro-palestinienne », confirme une source diplomatique occidentale. « Qu’est-ce que les Émirats et Bahreïn ont gagné en se rapprochant d’Israël ?, s’interroge un diplomate koweïtien. Des transferts de technologies, du renseignement, mais rien sur l’arrêt de la colonisation par exemple. »
Une longue histoire relie le Koweït aux organisations palestiniennes. Leurs principaux cadres, dont Yasser Arafat, ont commencé leur carrière professionnelle dans l’émirat dans les années 1950. « Le premier bureau de l’OLP à travers le monde a été créé ici au Koweït en 1964, se rappelle l’ambassadeur palestinien Rami Tahboub. Mais dès 1959, Arafat avait lancé son mouvement, le Fatah, depuis le Koweït, où les habitants payaient une taxe en faveur de la cause palestinienne. »
Les Koweïtiens dans leur ensemble ne sont pas rancuniers envers les Palestiniens d’avoir « trahi » l’émirat en 1990, lorsque Yasser Arafat choisit de soutenir « l’envahisseur » irakien plutôt qu’un pays dont l’administration avait été largement bâtie par la diaspora palestinienne. À l’automne de cette année, 400 000 Palestiniens expulsés du Koweït trouvèrent refuge en Jordanie. Ils ne sont plus que 60 000, aujourd’hui. « De nombreux Koweïtiens regrettent cette expulsion des Palestiniens qui furent remplacés par d’autres beaucoup moins efficaces, dans l’éducation notamment », rappelle le diplomate.
Face à Israël, les islamistes sont en pointe dans les campagnes contre la diffusion d’un film avec une actrice israélienne ou contre un match de tennis opposant un Koweïtien à un Israélien. Mais jusqu’à quel point le petit émirat pourrait-il résister aux pressions du grand frère saoudien lorsque celui-ci aura normalisé ses relations avec l’État hébreu ? « Nous pourrions rejoindre les accords d’Abraham si l’Arabie le fait, concède un influent conseiller à la cour. Mais pour que Riyad signe la paix avec Israël, l’État hébreu devra céder quelque chose de significatif aux Palestiniens », ajoute-t-il.
D’autres estiment que leur remuant Parlement constitue en fait l’excuse commode pour s’opposer à cette nouvelle donne régionale. « Tout accord avec Israël devra être avalisé par notre Assemblée nationale, anticipe un patron d’un journal. Or il ne ratifiera pas une normalisation avec Israël. La famille régnante pourra donc une fois de plus utiliser le Parlement comme une confortable zone tampon pour dire aux Américains : “Vous voulez la démocratie ! Eh bien, elle a parlé : nos députés élus ne veulent pas de liens avec Israël”. »
Mais au-delà des pressions saoudiennes, il sera également difficile de résister à celles du protecteur américain, qui dispose de plus de 10 000 militaires au Koweït, et dont dépend, in fine, sa sécurité.