L’État hébreu ne fait pas que livrer des armes à sous-munitions et des drones aux Azerbaïdjanais dans leur guerre au Haut-Karabakh.
Envoyé spécial à Jérusalem
Human Rights Watch (HRW) a démontré ce qui était un secret de polichinelle: l’Azerbaïdjan a recours à des armes à sous-munitions de fabrication israélienne dans sa guerre au Haut-Karabakh. HRW évoque notamment des roquettes de type LAR-160, dont des débris ont été retrouvés dans des secteurs bombardés de Stepanakert, la capitale de la République arménienne autoproclamée du Haut-Karabakh. Ces armes explosent dans le ciel et se dispersent en des dizaines de minibombes qui peuvent se transformer au sol en mines terrestres dans des zones peuplées de civils. Elles sont proscrites par une convention internationale non ratifiée par l’Azerbaïdjan, Israël mais aussi par l’Arménie.
Vendredi, Nicolas Aznavour, le fils de l’artiste, a, lui, adressé une lettre ouverte au président israélien, Reuven Rivlin. «En ma qualité de descendant de mon grand-père et de mes parents, je vous demande, honorable président, de prendre une position qui assurera l’arrêt des ventes de cette arme mortelle à l’Azerbaïdjan», demande Nicolas Aznavour, au nom de la Fondation Aznavour. «Israël a été créé par des survivants de l’Holocauste, il ne peut pas fermer les yeux sur le génocide que les Azerbaïdjanais, aidés par la Turquie, projettent de commettre en Arménie», poursuit-il. Voici trois ans, il avait accompagné son père venu recevoir à Jérusalem des mains du chef de l’État israélien la médaille Raoul Wallenberg, pour avoir avec sa famille, sauvé à Paris des Juifs durant l’Holocauste.
Bien que jouant sur la corde sensible de la mémoire, Nicolas Aznavour a peu de chances d’être entendu. Rien ne semble en effet pouvoir remettre en question la solidité de l’alliance, en apparence à front renversé, entre Israël et l’Azerbaïdjan. L’Arménie l’a bien compris. Erevan a rappelé le 1er octobre dernier, dès le début du dégel de ce vieux conflit plus nationaliste que religieux, son ambassadeur installé depuis peu à Tel-Aviv.
L’État hébreu a, au nom d’intérêts bien compris, un tropisme pour l’Azerbaïdjan, en dépit du soutien du régime turc de Recep Tayyip Erdogan à la petite République autocratique caucasienne considérée par Ankara comme l’un de ses satellites. Il n’a jamais hésité entre Bakou et Erevan. Israël n’a ainsi jamais reconnu le génocide arménien, le premier du XXesiècle et ne veut surtout pas entendre parler d’un Haut-Karabakh indépendant. «Si les Arméniens étaient autorisés à créer un État dans le Haut-Karabakh, cela pourrait ouvrir la voie aux Palestiniens pour qu’ils puissent faire de même», estime l’analyste politique Rachel Avraham.
L’Azerbaïdjan est le principal fournisseur en pétrole de l’État hébreu. Il couvre environ 40% de ses besoins en hydrocarbures. Et surtout sa position géographique lui offre un balcon avec vue sur l’ennemi iranien. Le pays a une longue frontière avec l’Iran, une zone qui intéresse particulièrement les services de renseignements israéliens. Soucieux de «sécuriser son territoire», Téhéran vient d’y déployer des unités des gardiens de la révolution.
Selon le président israélien, Reuven Rivlin, «l’État hébreu entretient des relations de longue date avec l’Azerbaïdjan, et la coopération entre les deux pays n’est dirigée contre aucune partie». Les experts n’en sont pas convaincus. En 2016, le pays a signé un contrat de près de 5 milliards de dollars avec des entreprises israéliennes d’armements. Outre les bombes à fragmentation, les sociétés israéliennes fournissent à Bakou des drones armés, dont des drones kamikazes. Ces engins télécommandés ont contribué à donner une supériorité militaire aérienne à Bakou. Au cours des dernières semaines, plusieurs avions-cargos ont décollé d’une base israélienne pour Bakou. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), entre 2015 et 2019, Israël a livré 60% des armes de l’Azerbaïdjan, contre 31% pour la Russie, qui fournit la quasi-totalité du matériel militaire de l’Arménie.