Par Michaël Bloch
Ancien ministre de l’information du Koweït, Sami Al-Nesef est favorable à une nouvelle approche dans le conflit israélo-arabe. Il souhaite davantage de dialogue et moins de boycott.
Ils sont soutenus par l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair et l’ex-ambassadeur américain en Israël Dennis Ross. Des intellectuels, scientifiques journalistes et politiques du monde arabe se trouvaient mardi soir à l’Assemblée nationale à Paris pour présenter le Conseil arabe pour l’intégration régionale. Cette initiative appelle à cesser le boycott d’Israël et à une normalisation des relations entre l’ensemble des Etats arabes et l’État hébreu. Ancien ministre de l’information du Koweit, Sami Al-Nesef défend ce projet auprès du JDD, alors que son pays n’a officiellement pas de relation avec Israël.
Est-il temps pour les Etats arabes qui ne reconnaissent pas Israël de le faire?
Nous ne représentons pas les Etats arabes, seulement nous-mêmes. Nous pensons que le conflit a assez duré. Pour résoudre ce conflit, il faut rapprocher les peuples. Pour le moment, il y a une grande restriction. Dans de nombreux pays arabes, des lois interdisent les contacts humains entre les Arabes et les citoyens israéliens. Ceux qui les violent sont passibles de peines extrêmes pouvant aller jusqu’à l’exécution dans certains pays. Nous pensons que ces lois devraient être abrogées, car elles bloquent les perspectives de paix au Proche-Orient.
En quoi votre initiative peut changer la donne au Moyen-Orient?
Les Etats arabes ont essayé les guerres, le boycott mais notre stratégie n’a jamais été tentée. Les Etats ne sont pas arrivés à sortir de l’impasse du conflit. Peut-être que les peuples y arriveront. Nous sommes à un moment où il y a un déficit d’espoir. Cette initiative peut créer une nouvelle dynamique.
Comment cela peut-il marcher concrètement?
Nous avons une série de projets culturels, économiques, écologiques. Par exemple, Oussema Selmi est un scientifique tunisien qui travaille sur l’hydrologie et des infrastructures électriques. Pour réaliser son projet, il a besoin de travailler avec des scientifiques israéliens. Or, son pays lui interdit de contacter des citoyens israéliens. Nous comptons aussi porter ce message sur la scène internationale. Rome ne s’est pas construite en un jour. Mais les grandes choses débutent parfois par des petits pas.
Quel rôle peut jouer la France?
La France, alliée vitale et respectée de tant de pays arabes, peut conduire ce processus. Le Parlement français peut rendre un service extraordinaire en lançant un rapport annuel sur les mesures de représailles prises par les gouvernements arabes contre ceux entretenant des relations avec les Israéliens. Un tel rapport – semblable aux rapports existant sur le terrorisme, le blanchiment d’argent ou les trafics de drogues – ferait honte à ceux qui punissent les hommes et les femmes de bonne volonté. Le rapport pourrait aussi inciter les gouvernements qui ont pris des mesures pour protéger les faiseurs de paix et autres citoyens arabes engagés en faveur du dialogue et permettre à ces derniers de servir de modèle.
Comment combattre la haine entre les deux peuples?
C’est ce que nous essayons de changer. Nous essayons de construire des ponts. Il faut que les Israéliens comprennent l’agonie et la souffrance des Palestiniens. Et les Palestiniens doivent comprendre les inquiétudes des Israéliens.
Quelle est votre réaction au plan de paix de Trump?
Nous devons apprendre de l’histoire. Il y a eu beaucoup d’opportunités ratées. Même les Palestiniens regrettent actuellement d’avoir refusé le plan de partage de 1947. Il est facile de dire non. Il est facile de quitter une table de négociations. Mais cela ne résout aucun problème. Les Palestiniens doivent proposer un plan alternatif, qui soit réaliste.
Pourquoi les Palestiniens n’ont pas réussi à obtenir à avoir un État, 75 ans après la création d’Israël?
Les Palestiniens ont eu une stratégie de rejet des différentes initiatives de paix. Ils ont écouté les voix bruyantes et extrémistes qui les poussaient à refuser ces plans. Ils n’ont pas proposé d’alternative.
A quelle réaction vous attendez-vous dans votre pays?
Nous devons attendre et voir. Le Koweït est un Etat démocratique [le magazine The Economist définit plutôt l’Etat comme un régime autoritaire, NDLR]. La liberté d’expression est garantie. Et je pense que mon point de vue sera entendu. Même si je m’attends à des oppositions.