Nolens volens, le Liban se transforme petit à petit en une « société de guerre » dont les composantes subiront unanimement et de plein fouet les effets dévastateurs. Le parti khomeyniste libanais peut se glorifier de cette transformation qui constitue probablement sa plus belle « victoire ». Hier encore, il menait sa barque à sa guise, seul au gouvernail et sans se soucier de ceux qui sont sur le rivage. Aujourd’hui, le gouvernement (consentant), l’armée (complice) et le « peuple » (qui ne demande qu’à vivre) vont l’y rejoindre, en simples chiourmes !
Comme il se doit, c’est l’ennemi qui a été le premier à relever le changement et à modifier sa stratégie en conséquence. Désormais, l’État hébreu « fera assumer au Liban la responsabilité de tout acte commis par le Hezbollah », martèle-t-on depuis quelques jours à Tel-Aviv. La distinction qui avait prévalu en juillet 2006 entre gouvernement libanais et Résistance n’est plus de mise. Le changement est radical et c’est bien le « gouvernement d’union nationale » qui en est l’initiateur.
Que les ex-adversaires du Hezbollah l’aient voulu ou non ne change strictement rien à l’affaire. Loin de mettre l’État et la Résistance sur pied d’égalité et contrairement à ce qu’affirment quelques « souverainistes » imbéciles, le gouvernement libanais s’est employé sans même s’en rendre compte à « unifier » le sort des trois « entités » qu’il a idiotement énumérées dans sa déclaration ministérielle. Majorité et opposition peuvent maintenant danser la gigue: l’Armée, le « Peuple » et la « Résistance » subiront désormais à parts égales la sauvagerie israélienne.
La « société de guerre » dont rêvait le parti khomeyniste arrive à grands pas, résultat d’une inféodation totale de la communauté chiite et d’une mise au pas des autres communautés. Seul l’État (ou ce qui en restait) échappait quelque peu à la mouvance. Après trois ans de sape systématique, le voilà qui s’enrôle à son tour.
En 2006, les Libanais ont été entraînés contre leur gré dans une guerre dévastatrice. Demain, ils serviront tout aussi bien de chair à canon, mais cette fois grâce à une « unification » forcée, menée tambour battant par le parti chiite armé et l’aide précieuse d’un Michel Aoun vassalisé jusqu’à l’effacement. Et pour que la tragédie soit complète, ce sont ses adversaires d’hier qui ont nonchalamment ouvert les dernières digues qui contenaient la déferlante.
« Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal », affirmait à juste titre Hannah Arendt dans « Responsabilité et Jugement ». En paraphrasant ses propos, on pourrait tout aussi bien dire que la « bonne question à poser à tous ceux qui ont accepté de jouer les rouages dans le système Hezbollah n’est pas « Pourquoi avez-vous obéi ? », mais bien plutôt: « Pourquoi avez-vous donné votre soutien ? ».
La déclaration ministérielle s’avère être une déclaration de guerre contre tous les Libanais. Elle donne le prétexte au Hezbollah de poursuivre ses aventures meurtrières et à Israël de reprendre et de généraliser ses expéditions punitives.
L’indignité des « indépendantistes » d’hier et collaborateurs d’aujourd’hui c’est d’offrir aux Libanais, tous les Libanais, des promesses de malheur en partage !
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