Il fut un temps où les dirigeants arabes se bousculaient pour se réunir à Beyrouth. Le Liban fut longtemps, aux yeux des Arabes, leur vitrine et leur tribune. On se souvient des deux réunions au sommet de Beyrouth, tenues sous le mandat d’Émile Lahoud que nul ne peut gratifier du titre de « président fort ». Le sommet de la francophonie et le sommet arabe avaient, à l’époque, permis d’asseoir le Liban, en voie de reconstruction, à une place privilégiée dans le concert des nations.
Les alliés libanais de l’axe Téhéran-Damas viennent de réduire l’actuel sommet économique arabe au statut lamentable de réunion d’une commission technique. À l’heure où ce papier est rédigé, seul le président mauritanien confirme sa présence. On attend l’arrivée de l’émir du Qatar auprès duquel le président libanais a dû, semble-t-il, insister pour le convaincre de venir à Beyrouth. Jadis joyau du monde arabe, le Liban d’aujourd’hui serait devenu un pestiféré ou un paria qu’on a intérêt à éviter. Le zèle pro-Bachar du chef du CPL et celui antilibyen du tandem Amal-Hezbollah ont produit leurs effets dévastateurs. Qui sème le vent récolte la tempête.
Et maintenant, on fait quoi ?
On commence d’abord par appeler un chat un chat et par dénoncer l’incurie de la diplomatie libanaise qui a décidé, grâce au ministre responsable, de faire de la surenchère en tant que porte-voix du régime syrien et des intérêts iraniens ; alors que le monde entier supplie le Liban de garder une distance de réserve par rapport aux grands positionnements stratégiques au Proche-Orient.
Ensuite, on fait le constat que le pouvoir libanais et son président dit fort ne sont plus en mesure de diriger le navire qui prend l’eau de partout. Il suffit de méditer la répartie de Gebran Bassil, président du CPL, à la récente et maladroite réunion maronite de Bkerké, telle que rapportée par les médias. Lors d’un échange vif avec Sleiman Frangié, il se serait vanté d’avoir bloqué durant deux ans et demi toutes les institutions, certes, cela aurait permis de faire nommer un président « fort » de la République, son beau-père en l’occurrence. Nous ignorons si le ministre Bassil est conscient que le blocage intentionnel des institutions publiques, par un homme d’État, est au mieux une félonie, au pire un crime.
Et puis, on décide enfin de s’affranchir des démons de la logique confessionnelle. L’atomisation sectaire et clanique actuelle a atteint un abîme sans fond. Telle est la conséquence du chiisme politique qui ne parvient pas à être un digne héritier du maronitisme politique de jadis qui avait, en dépit de ses tares, construit l’État le plus moderne et le plus libre du monde arabe. Aujourd’hui, personne n’est disposé à venir au secours du Liban, transformé en arène pour fripons et autres gladiateurs mafieux, sans compter son obstination à prendre fait et cause des menées antiarabes de l’Iran des mollahs et du régime de Damas.
Il ne sert à rien d’analyser et de discuter. Chacun doit se poser la question : que puis-je faire à mon niveau pour sauver ce qui peut encore l’être ? Il faut commencer par surmonter sa propre peur et dire « non » au mensonge officiel.
Parler ne suffit pas. Il faut agir. Pour le faire, on se doit de quitter politiquement le giron de « maman-communauté ». La nocivité de l’approche confessionnelle du problème le prouve suffisamment. Il ne sert à rien de demander, par exemple, à Al Capone d’initier une réforme salutaire afin de lutter contre la corruption et les mœurs mafieuses. De même, il ne suffit pas de se laisser aller à l’activisme d’une société dite civile. Libérer un pays occupé, otage de réseaux du crime organisé, est encore possible à condition de se regrouper en forces politiques non confessionnelles.
Qui oserait en prendre l’initiative? Cela devient urgent, car rien ne va plus.
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