Les parties politiques campent sur leurs positions concernant la présidentielle, en dépit des derniers développements sécuritaires. L’échéance continue donc de faire du surplace, et les initiatives proposées n’ont pas eu assez d’effets positifs pour provoquer un changement quelconque. Les attentats de Qaa n’ont pas été suffisamment dissuasifs pour inciter les leaders politiques à trouver des solutions à la crise, même s’ils ont permis de renouer les contacts entre Saad Hariri et Samir Geagea, à travers le souhour de la Maison du Centre.
La rencontre entre le président des Forces libanaises (FL) et le chef du courant du Futur a été l’occasion de préciser que le port des armes par les militants du parti chrétien au soir des attentats de Qaa n’était que circonstanciel et temporaire, la position inchangée des FL étant le rejet de l’autosécurité et la prééminence absolue du monopole de la violence légitime. La rencontre aurait en outre permis de lancer l’idée d’un congrès réunissant les leaders du 14 Mars et qui serait d’ores et déjà en cours de préparation. Qu’à cela ne tienne, les positions des deux parties sont restées les mêmes concernant l’élection présidentielle.
Il y a cependant du nouveau sur le « front » de Rabieh. Un ancien ministre, qui s’est rendu récemment chez le général Michel Aoun, affirme ainsi que ce dernier refuse d’assumer la paternité du vide présidentiel et de ses répercussions sur le Liban en général et les chrétiens en particulier.
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L’idée d’un plan B fait donc plus que jamais son chemin, à l’heure où le blocage paraît plus que jamais infranchissable. Téhéran bloque en effet l’échéance et n’a aucune intention de relâcher son emprise sur le dossier, selon un diplomate arabe qui a suivi de près la visite du chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Jawad Zarif, à Paris et sa rencontre avec son homologue français Jean-Marc Ayrault. Le diplomate iranien aurait ainsi précisé qu’il est prêt à faciliter l’échéance à condition que les Libanais s’entendent sur une solution, ce que la France a compris comme étant une volonté de ne pas contribuer au déblocage et de ne pas presser le Hezbollah de mettre fin à son boycott. Téhéran souhaiterait préserver cette carte précieuse en main, qu’il ne céderait éventuellement qu’en échange d’une reconnaissance d’une influence en Syrie de la part de la communauté internationale et des forces régionales. Or l’Iran n’est pas disposé à abandonner sa présence active en Syrie, qui lui permet de consolider son influence au Liban, notamment grâce à son contrôle de la frontière avec Israël au Sud.
Selon un diplomate arabe qui se trouve à Paris, citant des responsables occidentaux, les derniers développements sur le terrain en Syrie, les réconciliations turco-russe et turco-israélienne, de même que le rapprochement israélo-russe et l’émergence de divergences marquées entre la Russie et l’Iran sur le dossier syrien… tout cela s’est répercuté négativement sur la position iranienne. Incommodé, Téhéran aurait recours à l’escalade sur le terrain syrien, dans le but d’être accepté dans les négociations en vue d’une solution. Le rapprochement turco-russe pourrait en effet avoir des répercussions sur la situation en Syrie et le changement des rapports de force. Moscou a en effet cessé d’assurer une couverture aérienne aux opérations menées par le régime Assad, ses alliés iraniens et leurs milices auxiliaires, provoquant des pertes importantes dans les rangs de cette coalition. Le Nord de la Syrie, limitrophe de la Turquie, allant d’Alep à la frontière, se trouve sous le contrôle turc. Le nettoyage des régions occupées par Daech pourrait traîner la patte faute d’un accord sur l’identité de la force qui contrôlera ces zones après la disparition du groupe terroriste. Téhéran, le Hezbollah et le régime syrien souhaiteraient reprendre les régions limitrophes de l’Irak, ce qui permettrait de créer une continuité territoriale entre le Hachd el-chaabi, la Syrie et les régions libanaises contrôlées par le Hezbollah. L’alliance internationale et l’opposition syrienne veulent empêcher un tel développement, qui donnerait naissance de facto à un croissant chiite consolidant le régime Assad et affaiblissant l’opposition.