Editorial
Révoltes arabes : la variante syrienne
Depuis bientôt un mois, la Syrie est en proie à une agitation sans précédent. Comme en Tunisie, en Egypte ou au Yémen, le cycle des manifestations, des répressions brutales, des funérailles qui donnent lieu à de nouveaux rassemblements a commencé.
A Deraa tout d’abord, puis à Douma ces jours derniers. Le régime du président Bachar Al-Assad avait espéré que son nationalisme ombrageux, sa posture intransigeante sur le conflit israélo-palestinien et sa résistance à toutes formes de pressions extérieures, y compris les ouvertures à son égard tentées par la France et l’Arabie saoudite, constituaient une manière de carapace contre la vague du » printemps arabe « . Il n’en est rien.
Le jeune président syrien, même s’il est au pouvoir depuis déjà plus de dix ans, ne fait pourtant pas figure de dinosaure régional. Il connaît accessoirement le pouvoir des médias et ne rechigne pas à mettre en scène son intimité, avec son épouse, pour les pages des magazines.
Mais il y a bien longtemps déjà que les Syriens ont fait la part des choses entre cette apparence du pouvoir (qui s’affichait encore sur les murs du Centre culturel français de Damas, dans le cadre d’une exposition de photos, en février) et une réalité moins reluisante : à savoir une verticale du pouvoir qui agglomère le sécuritaire et l’économie au profit d’un clan familial. Et qui dispose d’un outil de contrôle total qui broie impitoyablement la moindre opposition, même confinée dans le cadre pacifique de salons politiques.
De ce point de vue, le système de pouvoir syrien est très similaire à ceux qui ont été mis à bas à Tunis comme au Caire. Et, comme ailleurs, le président syrien a fini par s’impliquer dans la mêlée sans parvenir à convaincre. Trop peu, trop tard : son discours du 30 mars, utilisant une nouvelle fois une rengaine usée – les troubles seraient fomentés par des puissances étrangères -, n’est pas de nature à changer la donne.
Bachar Al-Assad n’a rien à redouter de pressions extérieures. Il n’encourt pour l’instant que les remontrances verbales d’Occidentaux accaparés par leur engagement militaire en Libye. Il peut compter de même sur la solidarité d’autres régimes voisins et accessoirement sur la relative discrétion de médias panarabes autrement plus actifs dans d’autres pays.
Il peut enfin se reposer sur un appareil répressif réputé pour sa férocité pour juguler la contestation. Des vagues d’arrestations massives seraient en cours dans le pays.
Ce faisant, le président syrien ne pourra masquer l’essentiel. Il coiffe un régime dont les capacités de réforme sont proches du néant. La » lutte contre la corruption » n’est qu’une boutade tant que son cousin, l’homme d’affaires Rami Makhlouf, peut continuer de prospérer dans son orbite. La suppression de la loi d’urgence ne peut s’accommoder du maintien de services de sécurité omnipotents dans lesquels servent ses proches parents. Conclusion : les jours de l’Etat baassiste hérité de son père, Hafez Al-Assad, sont inexorablement comptés