Lorsqu’il plastronne devant les foules ou les militants admiratifs, le sourcil froncé, le regard courroucé et le doigt menaçant, Hassan Nasrallah donne toujours l’impression de vouloir s’enfoncer dans son karma. C’est comme s’il voulait signifier à ses adversaires que l’aménité d’hier n’était qu’un rôle de composition et que les choses sérieuses allaient enfin commencer.
Ce visage poupon ne cachait-il donc que des intentions maléfiques ? Ou bien l’homme et son projet ont-ils radicalement changé ? Sommes-nous à la veille d’une nouvelle équipée divine ou bien vivons-nous les derniers préparatifs avant la « cueillette finale » qui viendrait clore dix-huit mois de turbulences ?
La «victoire divine», qui a plongé pendant des mois les foules de militants et de sympathisants dans un état d’abrutissement généralisé, ne fait plus recette et les griseries d’hier ont cédé la place à une de gueule de bois collective. L’oracle enturbanné s’est donc trouvé acculé à inventer de nouvelles « promesses sincères » pour ranimer les ardeurs défaillantes. Et, puisque l’ennemi « standard » était devenu inaccessible, il ne lui restait plus qu’à jeter son dévolu sur l’ennemi intérieur.
Oui, mais il y a un hic. Avec l’ennemi standard, il est permis, voire « légitime » de se livrer à toutes sortes d’exactions, y compris celle de proposer un troc pour ses bouts de cadavres, mais comment s’y prendre avec le sunnite d’en face ? Depuis dix-huit mois, Hassan Nasrallah est confronté à une véritable quadrature du cercle. Il trépigne d’impatience de prendre le pouvoir, mais comment pourrait-il y parvenir sans « casser » du sunnite ?
Il s’était brûlé les doigts en essayant l’année dernière à la même date de « tâter » le terrain. La levée de boucliers était unanime et il était obligé de se replier fissa sous les injonctions strictes de son mentor iranien qui avait perçu les dangers incalculables d’une telle équipée. Résigné, il ne lui restait plus qu’à essayer l’encerclement dans l’espoir de voir l’ennemi céder par épuisement ou par lassitude.
C’est ainsi qu’est né le « tiers de blocage » comme pis-aller à une prise du pouvoir par la force. Vous me donnez le tiers plus un au gouvernement, ou je bloque tout. En d’autres termes, je bloque tout aujourd’hui pour pouvoir bloquer ce que je veux demain. Après avoir pris en otage sa propre communauté, le voilà qui met le pays tout entier dans son filet.
Le Liban vit depuis au rythme des injonctions menaçantes de Hassan Nasrallah et de ses apparatchiks transformés pour la bonne cause en discoureurs du dimanche. N’est pas orateur qui veut et rares sont ceux qui parviennent à fasciner les foules par leur éloquence et leur charisme. Pour pallier ce déficit, ces apparatchiks ont adopté par mimétisme le même geste impérieux et ridicule du doigt qui se lève pour accentuer leurs péroraisons sur les « victoires à venir ».
Hassan Nasrallah est fermement convaincu qu’il réussira à rééditer sa « victoire divine » contre l’ennemi intérieur. Il apprendra un jour que les ambitions les plus folles ont toujours été phagocytées par la mosaïque libanaise dont le venin exceptionnel sécrété par ses communautés est capable de broyer toutes les outrecuidances, fussent-elles divines.
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