Si au moins il se contentait de conspirer dans son coin et nous épargnait ses déclarations piteuses sur les « sacrifices » consentis par l’armée, ce serait déjà faire preuve d’intelligence, d’humilité et de respect envers les victimes tombées sous la barbarie de la milice encagoulée du Hezbollah et de la meute de chiens qui l’accompagnait.
Non seulement notre Général « consensuel » s’est bien gardé de s’opposer aux assaillants de Beyrouth, mais il a honteusement failli à sa mission de protéger les simples citoyens et les institutions dont la garde lui était explicitement confiée. Aujourd’hui il veut nous vendre son infamie pour un acte de courage.
En s’abstenant d’intervenir, l’armée cherchait à « éviter une effusion de sang », ose nous dire le brave Général. Quelle belle logique de la part d’un homme appelé aux plus hautes fonctions de l’État et qui ne s’encombre pas de confondre neutralité avec laisser-faire. Ce n’est point de neutralité qu’il s’agit, mais tout simplement de lâcheté ! Il n’y a pas d’autre terme pour qualifier le comportement de la troupe qui assistait sans réagir au lynchage à mort de plusieurs dizaines d’individus ?
La cohésion de la troupe était menacée, nous explique-t-on. Drôle d’armée dont la raison d’être est de protéger les citoyens, mais qui se soucie exclusivement de se protéger elle-même. Pire, pendant la semaine d’horreur qui s’est abattue sur Beyrouth, elle s’est transformée en une force auxiliaire de la milice, convoyant docilement les ultimatums des assaillants et conseillant aux victimes désignées de s’exécuter sur le champ.
Est-ce réellement le risque de voir l’armée éclater en cas d’intervention, ou, plus prosaïquement, le souci du valeureux Général de redorer son blason auprès du Hezbollah et de ses parrains qui avaient mal jugé que l’armée puisse simplement se défendre lors des évènements de Mar Mkhayel ?
Toujours est-il que la manœuvre a payé. La « milice de Dieu » s’est trouvé contrainte, pour échapper au pétrin dans lequel elle s’était embarquée, de « remettre » à la troupe les positions qu’elle avait « conquises ». L’honneur est sauf. L’armée a été rétablie dans son autorité de façade et son chef, remis en selle et reconduit comme candidat.
Si le Général Sleimane joue à l’équilibriste en inscrivant des morts appartenant aux deux camps à son palmarès, personne ne viendra l’en blâmer. Il est fait de la même argile dans laquelle sont façonnés les politiques des deux bords.
Une centaine de victimes, des biens détruits, une population humiliée, le décompte des exploits de la milice et de son auxiliaire est interminable. Ces exploits peuvent désormais être passés en pertes et profits pour que le Général de l’armée morte puisse accéder au trône. Un trône pour lequel il bave depuis des mois, comme d’autres braves généraux l’ont fait avant lui.