Étalage de force du Hezbollah dans sa lutte contre la pandémie

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Des membres du comité de santé du Hezbollah lors d’une tournée pour la presse, mardi dans la banlieue sud. Photo Joao Sousa

Depuis plusieurs jours, le parti chiite mène sa nouvelle guerre, contre le Covid-19 cette fois-ci, dans de vastes pans du territoire libanais, en parallèle aux mesures prises par les autorités.

 

Parallèlement à la tournée organisée mardi pour la presse dans la banlieue sud de Beyrouth, durant laquelle le Hezbollah a dévoilé ses propres mesures mises en place pour lutter contre le Covid-19, le parti chiite poursuit son étalage de force à travers des campagnes de désinfection qui touchent plusieurs régions libanaises, ne se limitant pas à ses fiefs.
Des mesures qui constituent une réponse aux nombreuses critiques dont le Hezbollah a fait l’objet, depuis le retour au pays des premiers malades contaminés en Iran. Mais il s’agirait également d’une récupération politique opérée par le parti chiite, à en croire certains observateurs.La semaine dernière, le Hezbollah avait annoncé qu’il avait mobilisé 1 500 médecins, 3 000 infirmiers et secouristes ainsi que 5 000 cadres sanitaires et de services pour lutter contre la pandémie à l’échelle du pays.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Raja Zreik, responsable de la défense civile relevant du parti à Beyrouth, indique que sa formation a instauré des mesures sanitaires dans tout le pays, à l’instar de celles mises en place dans la banlieue sud. « Nous avons 34 centres de dépistage du Covid-19 dans le pays et 25 ambulances équipées de respirateurs. Nous sommes là pour épauler l’État et les associations, nous travaillons avec les autorités locales », souligne M. Zreik qui assure par ailleurs que le Hezbollah se conforme aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. « À un moment, l’ordre des médecins s’est plaint des campagnes de désinfection que nous menons, en arguant qu’elles sont nocives et non scientifiques, mais nous nous basons sur les recommandations de l’OMS. Nous faisons de la sensibilisation et nous apportons un soutien psychologique. Les gens se sentent rassurés de cette manière », affirme M. Zreik.
Au Liban-Sud, le Hezbollah a mené ces derniers jours des campagnes de désinfection massive des rues à Nabatiyé et ses environs, ainsi que dans l’Iqlim al-Touffah et Ghaziyé, dans la banlieue de Saïda, des régions où son influence est prépondérante. Mais, fait notable, il a également procédé la semaine dernière à la désinfection des rues, voire de certaines maisons, à Saïda même, rapporte notre correspondant Mountasser Abdallah. En coordination avec les municipalités de la région, le parti chiite a même désinfecté des églises et des villages chrétiens à la demande des autorités religieuses concernées, selon notre correspondant.

 

Quarantaine et « barrages sanitaires »

Dans la Békaa, le Hezbollah a imposé une quarantaine à de nombreuses personnes rentrées d’Iran dernièrement. « Les gens ne sont pas retenus de force dans leurs villages, comme certains l’affirment, mais le Hezbollah a demandé à ceux qui sont récemment rentrés d’Iran de s’isoler pendant 14 jours », explique notre correspondante Sarah Abdallah. Il s’agit surtout de pèlerins, de familles de martyrs auxquelles le parti chiite offre des voyages religieux à Qom ou d’étudiants. Dans le caza de Jbeil, des membres du Hezbollah ont érigé des barrages sanitaires où ils prennent la température des passants et mené des campagnes de désinfection dans les localités chiites ou mixtes, suscitant la désapprobation de certaines familles chrétiennes, selon l’ancien député de la région Farès Souhaid.

 

« Depuis la crise, des gens issus des villages chiites de Jbeil, et qui habitent en majorité dans la banlieue sud, sont rentrés dans la région. Ces derniers jours, une voiture arborant les drapeaux du Hezbollah fait le tour des villages pour donner des conseils sanitaires et demander aux gens de rester confinés. Ce ne sont pas des parades sanitaires, leur efficacité est d’ailleurs modeste. Il s’agit d’un étalage de force, semblable à l’étalage de force politique et militaire opéré d’habitude », estime M. Souhaid.

 

Les mesures mises en place par le parti chiite ont suscité des tensions dans les villages mixtes où certains appellent à ce que la désinfection se fasse sous l’égide de la municipalité. La question a été réglée depuis, mais M. Souhaid dénonce la « récupération partisane de l’épidémie, non seulement de la part du Hezbollah, mais également de la part des autres forces politiques comme les Forces libanaises, les Kataëb ou le Courant patriotique libre ».

 

Interrogé par L’OLJ sur la campagne sanitaire du Hezbollah, un analyste politique estime que « l’ensemble des forces politiques tentent aujourd’hui de profiter de la situation, mais le Hezbollah est celui qui sait le plus communiquer sur ses actions ». « Le Hezbollah sait très bien comment mettre les crises à profit pour montrer qu’il est le plus fort et qu’il est concerné par la sécurité de tous les gens, même s’ils ne font pas partie de son public », indique l’analyste, sous le couvert de l’anonymat. « Cette mise en scène (mardi dans la banlieue sud) sert à dire : “Je suis un État et je peux vous protéger médicalement, après vous avoir protégé militairement contre Israël” », estime-t-il.

 

OLJ

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