Par Camille Bouscasse
Son discours identitaire teinté de références religieuses séduit une partie des habitants de la région d’El Hoceima qui dénonce la marginalisation de leur région.
Depuis ce lundi matin, Nasser Zefzafi est sous les verrous. le leader du ‘Hirak’, le mouvement de la contestation populaire rifaine, était en cavale depuis vendredi, journée durant laquelle il avait interrompu le prêche d’un imam, accusant ce dernier d’être un «charlatan». Les autorités marocaines avaient prononcé un mandat d’arrêt à son égard, l’accusant d’avoir «insulté le prédicateur», «prononcé un discours provocateur» et semé le trouble». Cependant, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) considère que c’est «l’insistance» de l’imam «à mobiliser les fidèles contre les manifestations» qui aurait déclenché la colère des manifestants assistant au prêche. Zefzafi se serait alors emparé du micro de l’imam afin de défendre la cause du Hirak et de critiquer l’emprise de Rabat sur les mosquées. L’émission de ce mandat d’arrêt à l’encontre de Zefzafi a fait éclater pour la première fois à Al Hoceima, l’épicentre de la fronde régionale, une confrontation directe entre forces de l’ordre et partisans de la rébellion orchestrée par Zefzafi.
Très populaire, notamment au sein des jeunes, ce chômeur de 39 ans s’est autoproclamé leader des contestataires rifains. Ce dernier accuse Rabat du royaume de délaisser le Rif, une région du nord du Maroc traditionnellement hostile au pouvoir central. El Hoceima, avait connu ses premières vagues d’agitation en octobre 2016, lorsqu’un jeune garçon vendeur à la sauvette avait été accidentellement broyé dans une benne à ordures. Un mouvement de protestation s’est peu à peu organisé autour de Zefzafi et son groupe, le Hirak. Apprécié pour son franc-parler et son discours identitaire teinté de références religieuses, Nasser Zefzafi est devenu le porte-voix de la colère rifaine. Utilisant les réseaux sociaux pour promouvoir son message, Zefzafi a pris l’habitude de critiquer le makhzen, l’administration royale, et de stimuler l’identité rifaine par l’intermédiaire de vidéos postées sur sa page Facebook. Inquiet de ses discours incendiaires, le gouvernement marocain a accusé Zefzafi de mettre en péril «l’intégralité territoriale du pays et de recevoir des fonds de l’étranger à ses fins.»
Diatribes débridées
Cantonné à une série de petits emplois, il gérait une boutique de téléphone portable et «a échoué au concours d’entrée de la police. Mais, l’influence de Zefzafi a continué à prendre de l’ampleur. Le 26 mai, il a réitéré dans une vidéo postée sur Facebook sa volonté de voir ses partisans manifester de manière pacifique pendant sa fuite. Dans un portrait qu’il lui a consacré, l’hebdomadaire TelQuel s’interroge sur ses penchants mégalomanes. Souvent excessif, voire fantasque, amateur de diatribes débridées, il attaque «sans distinction: les partis politiques, les ONG, l’État.» explique le magazine marocain. Zefzafi se réfère au leader historique al-Khattabi, incarnation de la lutte rifaine contre le colonialisme français et espagnol au XIXe siècle et créateur de l’éphémère République du Rif de 1921 à 1926. Le 18 mai dernier, lors de manifestations de masse, de nombreux jeunes portaient des tee-shirts sur lesquels étaient inscrits «Nous sommes tous des Zefzafi.»