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Lors de son dernier discours télévisé en date du 31 mai, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, n’a pas été sans réveiller les vieux démons du recensement démographique, en pratiquant l’art de la dissimulation, puisqu’il a camouflé cette problématique derrière celle d’un « sondage » des différents partis politiques sur la décision de la guerre et de la paix.
Pourtant, le secrétaire général dudit « divin parti » n’est pas sans ignorer que la grande majorité des formations politiques populaires au Liban sont communautaires…
Mieux encore, le secrétaire général du parti a démenti toute velléité de modifier la donne au Liban en voulant imposer une démocratie majoritaire, précisant que cette idée n’avait jamais été présente dans la rhétorique de sa formation politique.
Des diplomates occidentaux avaient pourtant indiqué depuis deux décennies déjà l’apparition de cette notion dans le discours des responsables du parti chargés des affaires extérieures.
Il n’est guère étonnant que le parti cherche actuellement à obtenir des garanties constitutionnelles dans une période d’incertitude, sur base du privilège que lui confèrent ses appuis régionaux, le pouvoir de fait de son arsenal et son hégémonie sur les institutions libanaises.
Des articles récents qui se font l’écho des milieux dudit « divin parti » évoquent ainsi une proposition de troc entre la présidence de la République qui resterait politiquement aux « chrétiens » (après l’épisode Aoun) en contrepartie de la présidence du Conseil qui tomberait sous la coupe des « chiites ».
Il convient d’effectuer deux remarques réalistes à ce niveau :
– La première est relative au fait qu’une telle proposition signifierait, pratiquement, de livrer le pays totalement au « divin parti » par voie institutionnelle, sans aucun garde-fou – au moment où ce dernier exerce une domination sans pareille sur le pays par le biais de son hyper puissance militaire et sécuritaire.
Il contrôle ainsi la Chambre et sa présidence – d’abord grâce au « verrou chiite » de la loi électorale actuelle qui lui assure, avec son allié Amal, la totalité des sièges de la communauté et, partant, un droit de veto au nom d’une « mithaqiya » – qui n’est autre qu’un dévoiement de la démocratie consensuelle.
Ensuite, ce contrôle de la Chambre, ajouté à sa puissance de fait, lui permet pratiquement – et toute la bataille ardue qui se livre actuellement (et qui est à l’origine de la vacance présidentielle) en témoigne – de faire élire le président de la République qu’il veut, en exerçant un chantage de vacance permanente dans le cas où ses demandes ne sont pas réalisées. Il n’existe aucune garantie qu’il renoncera à cet avantage et les engagement du camp de ladite « mouman3a » à tenir ses promesses n’ont été jusqu’à présent que de la poudre de Perlimpinpin. Ce serait un véritable marché de dupes.
S’il vient enfin à contrôler la présidence du Conseil – que ce soit en imposant son candidat sunnite au nom d’une majorité parlementaire ou, encore plus grave, à travers une refonte de la distribution communautaire des pouvoirs et du pacte national – cela lui assurerait une hégémonie totale, sans plus aucune brèche ou faille pouvant encore échapper à son contrôle. Quoi qu’il fasse, le Premier ministre Nagib Mikati n’est en aucun cas représentatif aujourd’hui du pouls de la rue sunnite. Le cas de l’ancien Premier ministre-marionnette Hassane Diab était encore plus éloquent.
« Prendre » la présidence du Conseil en « échange » de la « restitution » de présidence de la République signifierait d’abord que le poste de chef de État leur appartient de facto, que le « cas Aoun » était tout à fait dans l’ordre des choses, et que le parti s’arroge la prérogative exclusive de marchander avec les postes constitutionnels selon son bon loisir.
Ensuite, une telle proposition n’est qu’une volonté perverse de la part dudit « divin parti » de séduire l’opinion publique chrétienne et de la placer en confrontation avec l’opinion publique sunnite.
Le pyromane, lui, se délectera du spectacle en planifiant sa mainmise totale sur ce qui reste du cadavre de l’Etat libanais, dont il est le meurtrier-en-chef.
Naturellement, la deuxième possibilité, celle d’une refonte du pacte national et de la formule sur base d’une éventuelle démocratie majoritaire est irrecevable. L’esprit de cette idée avait déjà été proposée par l’un des représentants dudit « divin parti » lors de réunion de La Celle-Saint Cloud (2007), ainsi que par les dirigeants iraniens devant des émissaires occidentaux.
— La deuxième remarque porte justement sur cela: le fond du problème, le principe.
Il faut refuser de parler de toute réforme de la Constitution ou de la formule libanaise – quelle que soit la position des uns ou des autres sur la légitimité d’un tel changement en raison des dysfonctionnements des deux – tant que ledit « divin parti » maintient ses armes et son hégémonie sur le pays.
Négocier tout arrangement avec un parti qui n’hésiterait pas à utiliser ses armes pour imposer sa volonté, que ce soit par l’intimidation ou par la violence, revient soit à forcer l’interlocuteur à céder dès le départ, c’est-à-dire à légitimer les rapports de force qu’il souhaite lui-même dicter – et, partant, à discuter tout nouveau compromis sur cette base – soit à générer plus de violence et une montée aux extrêmes.
Il convient de rappeler qu’il a fallu 150.000 morts et des centaines de milliers de blessés et de disparus pour que l’accord de Taëf voit le jour et que le sinistre et ubuesque accord de Doha à coûté au Liban l’invasion de Beyrouth et de la Montagne par la milice et ses alliés.
Qui plus est, négocier avec un parti qui est loin de pratiquer la démocratie au sein de sa propre communauté et qui réprime et liquide tous les opposants à sa ligne politique, relèverait de l’absurde !
Dans les deux cas, ce serait la disparition du Liban.
Une remise en question du contrat politique et social, ou encore du modèle administratif de l’État, ne devrait se faire que dans un climat de dialogue démocratique et égalitaire, sans que l’oppression des armes et le risque des attentats ne pèsent sur le dialogue. C’est-à-dire une fois que les conditions nécessaires à l’édification d’un État de droit seront possibles, à commencer par le rétablissement de la souveraineté interne et externe du Liban et l’application des résolutions internationales connexes.
Dans le cas contraire, le Hezbollah saisira toutes les opportunités, profitera de toutes les propositions de réformes fondamentales, pour dépecer encore plus le cadavre libanais comme un charognard dévore sa proie, et le façonner irrévocablement à sa juste mesure.
Bla bla bla repetitum