La persistance des députés Michel Aoun et Sleiman Frangié à maintenir leur candidature respective à la présidence de la République ne manque pas d’étonner des milieux diplomatiques, qui leur imputent la responsabilité du blocage de la présidentielle. Ces milieux s’étonnent surtout de l’incapacité de certaines personnalités politiques à mener des médiations auprès des boycotteurs.
L’on reproche par exemple au chef des Forces libanaises Samir Geagea sa passivité à l’égard du chef du bloc du Changement et de la Réforme. Citant un diplomate occidental, un politique affirme que « l’absence de signes d’éclaircie est notamment dû à l’acharnement de Michel Aoun à défendre sa candidature. Sa persévérance est renforcée par sa nouvelle alliance avec Samir Geagea, d’une part, et sa propre lecture des événements en Syrie, qu’il croit être en sa faveur, d’autre part ». Du reste, l’appui du Hezbollah à la candidature de M. Aoun serait d’ordre strictement « éthique », selon le diplomate cité. Surtout que le Hezbollah et certaines composantes du 8 Mars auraient récemment renvoyé des signes en direction de Rabieh afin d’inciter le général Michel Aoun à se retirer de la course en faveur d’un troisième candidat, qu’il aurait la latitude de choisir.
C’est pourquoi les milieux diplomatiques s’étonnent que le président de la Chambre, Nabih Berry, n’ait pu faire davantage pour initier un déblocage. Les milieux politiques proches de Aïn el-Tiné expliquent que « le président Berry ne s’aventurera à prendre aucune initiative dont il n’aurait pas garanti la réussite, au regard des circonstances ». Or la volonté du Hezbollah de débloquer la présidentielle n’est pas sûre, quand bien même il aurait envoyé des signes timides en faveur d’un compromis interne. Des milieux politiques du 8 Mars rappellent que le parti soutient Michel Aoun, « tant que celui-ci continue de se porter candidat à la présidence ». Par cette position récente, le Hezbollah entendrait inciter son allié à passer à un plan B. Surtout que, toujours selon les milieux du 8 Mars, le parti chiite serait aujourd’hui en quête d’un compromis qui accompagne son retour au Liban, en marge de la cessation des violences en Syrie. Mais cet optimisme ne trouve pas d’échos dans les milieux politiques occidentaux : tant que le rapprochement saoudo-iranien n’a pas eu lieu (le président Hassan Rohani doit se rendre en Arabie à la mi-avril), il serait vain de croire en quelque revirement du côté du Hezbollah.
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En attendant, la tendance dans les coulisses diplomatiques est pour un candidat consensuel. Selon une source étrangère, les chances des quatre candidats de Bkerké sont désormais nulles. Par candidat consensuel, il faudrait entendre « une personnalité qui ne soit pas partie au conflit et qui soit en mesure de relancer les institutions, revitaliser l’économie et garantir la stabilité du pays. Autrement dit, une personnalité qui inspire confiance », pour reprendre les termes d’un diplomate arabe résidant à Paris.
Bien que touchant à leur fin, les deux candidatures du 8 Mars, appuyées respectivement par des composantes du camp opposé, ont établi un statu quo qui s’est avéré utile. Les appartenances politiques des deux candidats en lice retiennent le Hezbollah de recourir à un coup de force, semblable au 7 mai 2008, pour imposer ses clauses du compromis éventuel autour de la présidentielle. Les deux candidatures opposées Aoun-Frangié auront contribué à garantir, par conséquent, une transition sûre vers un compromis équilibré.