Le processus de démolition permanente (assassinats, intimidations, pressions, …) l’a emporté sur notre capacité à entretenir l’immense espoir né au printemps 2005. Nous sommes réduits à nous engluer dans la fatalité et l’attentisme, pleurer et enterrer nos compatriotes assassinés les uns après les autres, nous contenter de nous indigner et nous lamenter sans agir. Subir ainsi c’est mourir à petits feux, but recherché par ceux qui, inlassablement depuis 1943, expriment par de lâches et viles exactions leur mécontentement de ne parvenir à anéantir notre peuple et contrôler la région.
Le mal libanais réside en l’absence d’Etat de droit. Cette situation nourrit toutes les dérives et bénéficie à ceux qui instaurent un Etat dans l’Etat, stimulés par les influences externes. Une double identité interne qui n’a pas sa place dans une République, même parlementaire. Pour instaurer un Etat de droit, il faut un homme d’Etat à la tête de l’Etat. Un homme (ou une femme) qui, pour succéder au mandat fantomatique d’un président brillant d’impuissance et resplendissant de soumission, ait pour première ambition de sauver son pays de ces ingérences étrangères infiltrées dans toutes les couches de ses institutions – et jusqu’à la tête de son exécutif, relever la nation de ses cendres et la débarrasser de toutes ses querelles intestines, tribales, dynastiques et claniques. C’est sur ces bases-là que seront possibles le redressement économique du Liban et l’arrêt de l’exil massif des jeunes, deux facteurs vitaux pour un avenir prospère.
L’aberration libanaise est alimentée par le fait que nous ne sommes pas en train de chercher un homme d’Etat, mais tout d’abord un Maronite, constitution bloquante oblige. Ensuite, dans les Maronites, nous cherchons un homme qui plaise à tout le monde, ce qui revient à « nommer » à la tête du pays une personne influençable et manipulable. Dans ces conditions, les ramifications lourdes de traîtrises et de corruptions diverses ont encore de beaux jours devant elles. Et, pour dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, le pays ne sortira jamais du risque de guerre, avec ses crises récurrentes, tant qu’il conservera ce système politique confessionnel. Pourquoi ne pas oser revoir la Constitution ? Pourquoi avoir peur d’une laïcisation tout en conservant traditions historiques et libertés individuelles ? Que craindre d’une élection du meilleur candidat, qu’il soit musulman, chrétien, agnostique ou athée ? Car c’est bien d’une élection dont il est question et non d’une nomination. Ne pas nous laisser manipuler une fois de plus par ceux qui veulent désigner un président tel un roi qui nomme un gouverneur dans une province, c’est marquer notre volonté de recouvrer notre souveraineté.
Certes, on ne met pas en oeuvre de tels principes du jour au lendemain. Cela dépasse la notion d’amendement : c’est une remise en question des grandes lignes de la Constitution. C’est même, n’ayons pas peur des mots, une remise en cause de la mentalité libanaise, de l’état d’esprit de chacun et de l’égo de ceux qui aspirent au pouvoir. Mais nous n’en sommes pas là, et c’est dommage car, dans ce contexte, l’idée d’un mandat de transition n’est pas incongrue si nous voulons réellement nous donner le temps de changer les choses. Non, pour l’instant, les pressions exercées par les dictatures étrangères nous bâillonnent et nous forcent à focaliser tous nos efforts sur l’urgence à combler ce soi-disant vide institutionnel au risque de nommer ou désigner ou imposer n’importe qui pour six années de contemplation passive. Alors que nous pouvons profiter de cette période critique pour amorcer un tournant majeur dans l’histoire de notre jeune pays de 64 ans.
rmalek@noos.fr
* Paris
When I’m Sixty-Four
Non Bélinda, 64 ans c’est jeune pour un pays, et nous devons plutôt non seulement réussir enfin à nous prendre en mains tout seuls comme des grands, mais aussi nous débarrasser de ceux qui nous empêchent d’exprimer et de réaliser nos ambitions, malgré lesquelles, tu as raison, nous déployons aux yeux du monde une lamentable incapacité à nous en sortir.
When I’m Sixty-Four
A 64 ans, il est grand temps pour la République Libanaise de prendre sa retraite au bout de tant d’années passées à déployer aux yeux du monde entier sa désolante et pathétique incapacité à se gérer comme un pays autonome digne de ce nom !