Il n’est pas le premier et ne sera pas le dernier. Les ex-gauchistes libanais (et autres marxistes, communistes, libéraux ou démocrates) qui ont succombé aux charmes de Hassan Nasrallah et sont venus rallonger la liste des aficionados du parti khomeyniste armé, ne se comptent plus. La scène intellectuelle de la libre-pensée et du libre-arbitre se désertifie.
Talal Atrissi a depuis longtemps rejoint ce qu’il convient d’appeler la « confrérie » des intellectuels néo-organiques qui ne parviennent plus à concevoir leur vie en dehors ou à la périphérie de leur communauté (forcément nourricière et protectrice). Mais contrairement à d’autres, il a toujours essayé, dans ses articles ou dans ses interventions, de se dissimuler derrière l’objectivité factice de l’expert qui prétend donner son avis sans avoir à prendre position.
Cette longue mystification vient de prendre fin. Dans un article publié aujourd’hui dans An-Nahar (lire ici), Talal Atrissi se résout enfin à étaler au grand jour ses choix fondamentaux et ses préférences. Finis les errements identitaires, la conscience malheureuse ainsi que tous les questionnements lancinants. L’heure est à la certitude !
Après un long préambule (complètement hors sujet), le valeureux « Docteur » s’emploie à ridiculiser tous les chiites qui ont osé défier l’omnipotence du Hezbollah. Selon lui, ceux qui ont cru pouvoir créer une « troisième force » se sont fourvoyés dans le camp adverse où ils ont été traités avec le « mépris » qu’ils méritent. Ils auront beau s’agiter, ils ne pourront jamais ouvrir une brèche dans le binôme chiite qui préside aux destinées de la communauté.
Non content de sauver sa propre peau, Talal Atrissi veut aussi « convertir » ses coreligionnaires (intellectuels, religieux, journalistes, universitaires, politiques,…) qui ont pris le mauvais chemin. Il leur dit que toutes leurs tentatives sont vaines, qu’ils doivent arrêter le combat et qu’ils doivent surtout cesser d’attaquer le chef de la résistance, de dénigrer sa représentativité et de « salir son image ». Ces « âmes perdues » ne jouissent, selon lui, d’aucune indépendance dès lors qu’ils ont été happés par le camp adverse. Tout ce qu’ils ont réussi à faire c’est de consolider l’attachement des chiites au binôme et de renforcer sa cohésion.
L’argument avancé n’est pas faux, mais ce que le brave « Docteur » oublie de nous dire dans sa hâte, c’est où il se situe lui-même par rapport au binôme en question. Veut-il nous faire croire qu’il a échappé ainsi à la « polarisation » qu’il cherche à dénoncer, ou bien propose-t-il, tout simplement, à tous les chiites de s’enrôler comme lui dans la grande mouvance khomeyniste ?
Le drame des intellectuels néo-organiques, c’est qu’en essayant d’échapper à leur conscience malheureuse, ils ne trouvent mieux à faire que de se précipiter dans des filets idéologiques encore plus pernicieux.
Vive le grand parti protecteur qui prend sous ses ailes tous les enfants prodigues ! Vive la pensée unique qui empêche ces pseudo-intellectuels tout simplement d’ouvrir les yeux !