Les deux saisies se sont déroulées en l’espace de seulement quelques jours. Lundi, les services de sécurité de l’aéroport de Beyrouth, au Liban, ont saisi près de deux tonnes de pilules de Captagon, une drogue à base d’amphétamine. Celle-ci était sommairement dissimulée au sein de 40 valises qui devaient être embarquées à bord d’un jet privé en direction de Riyadh. L’affaire a fait grand bruit car parmi les cinq personnes interpellées se trouvait un émir saoudien de 29 ans, le prince Abdel Mohsen Ibn Walid Ibn Abdelaziz. D’autant plus qu’il s’agit de «la plus importante saisie à l’aéroport international de Beyrouth», à en croire l’agence officielle libanaise ANI. Quatre jours plus tard, une nouvelle cargaison est retrouvée. Cette fois, le million et demi de comprimés était dissimilé au milieu de tables qui devaient prendre le chemin du Qatar. Une enquête a été ouverte.
Une drogue très répandue au Moyen-Orient
Le Liban est l’une des plaques tournantes du trafic de Captagon. En avril 2014, 15 millions de pilules avaient été trouvées dans le port de la capitale libanaise, cachées dans des conteneurs de maïs. Ce stupéfiant est très prisé dans tout le Moyen-Orient, où sont effectuées les deux tiers des saisies mondiales. Selon l’ONU, 55 millions de comprimés sont retrouvés chaque année dans la seule Arabie saoudite. «Ce n’est pas la première fois qu’un chargement de Captagon est découvert alors qu’il doit être envoyé dans les pays du Golfe, rappelle le quotidien libanais L’Orient-Le Jour, mais, cette fois, les convoyeurs n’avaient pas jugé bon de prendre des précautions, estimant que les bagages d’un émir saoudien ne pouvaient pas être fouillés. Manque de chance, ils sont tombés sur un officier zélé et consciencieux qui a voulu faire son travail, et, finalement, il n’était plus possible de revenir en arrière ou d’étouffer l’affaire.»
Ces deux saisies réalisées à l’aéroport international de Beyrouth, où les services de sécurité sont de tous temps réputés proches du Hezbollah, ont mis en cause des ressortissants saoudiens. Alors même que le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, a multiplié depuis ces dernières semaines, ses attaques contre le royaume wahhabite, sur fonds d’alliances dans le conflit syrien.
Ces dernières années, le conflit en Syrie a fortement dopé le trafic d’amphétamines dans la région. Le Liban, qui a longtemps été le principal producteur, a même été supplanté par son voisin syrien. Si une part de la drogue est consommée sur place, notamment par les combattants de l’État islamique, le reste est distribué dans les pays du Golfe. Ce trafic sert entre autres à financer les achats d’armes. Les cachets, qui se vendent une vingtaine d’euros, sont fabriqués à partir d’une molécule amphétaminique nommée Fénéthylline. Cette dernière était utilisée dans les années 1960 à des fins thérapeutiques pour traiter les enfants hyperactifs avant d’être interdit en 1986 dans presque tous les États du monde. Car le produit, qui a pour effet de dissiper la sensation de fatigue et de faim, et procure un sentiment d’hyperconcentration, peut à forte dose entraîner des troubles de la personnalité.