Législatives turques : M. Erdogan peut-il espérer gouverner seul ?

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Par Marie Jégo (Istanbul, correspondante)

Le 1er novembre, les électeurs turcs se rendront aux urnes pour la deuxième fois en cinq mois. Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) espère retrouver sa majorité parlementaire perdue lors des législatives de juin. Après le scrutin, le premier ministre Ahmet Davutoglu avait échoué à former une coalition, de nouvelles élections avaient été convoquées.

Pour l’AKP, le scrutin de juin fut une grande déconvenue. Pour la première fois en treize ans de pouvoir, le parti fondé par Recep Tayyip Erdogan obtenait 41% des voix (258 députés sur 550), bien loin des scores prodigieux des années précédentes (45,6% aux municipales de mars 2014 ; 49,9% aux législatives de novembre 2011).

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Fort de 13 % des suffrages, le petit Parti de la démocratie des peuples (HDP, gauche, pro-kurde) avait volé la victoire aux islamo-conservateurs. Par le passé, les régions kurdophones du sud-est du pays avaient toujours été des réservoirs de voix pour l’AKP. En juin, tout a basculé.

Objectif irréalisable

Cette nouvelle donne a douché les espoirs de l’homme fort de Turquie, avide d’instaurer un régime présidentiel à la mesure de ses ambitions. Premier président élu au suffrage universel en août 2014, M. Erdogan rêvait d’un pouvoir aussi étendu que son nouveau palais à Ankara, d’une superficie de 200 000 mètres carrés.

Pour le numéro un turc, la « répétition » du scrutin ne peut que lui être favorable. Il a d’ailleurs prié les électeurs de lui donner « 400 députés », de quoi réaliser le changement de Constitution tant espéré. C’est faisable si l’AKP a 367 des 550 sièges du Parlement. Avec 330, il est possible de convoquer un référendum. Pour gouverner seul, il faut à l’AKP 276 députés.

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Cet objectif apparaît aujourd’hui irréalisable. Les résultats ont peu de chance de varier à cinq mois d’écart. D’ailleurs, les principaux instituts de sondage (Gezici, Metropoll, Sonar, Konda) dessinent pour le 1er novembre un score quasiment identique à celui de juin.

Un sondage, publié jeudi 29 octobre par Metropoll, attribue à l’AKP 43,3 % des intentions de vote, soit 2,5 points de plus qu’en juin. Un autre sondage, publié le même jour et réalisé par l’institut A&G Research, donne au « parti de l’ampoule » (le surnom de l’AKP) 47 % des suffrages, mais il est le seul à être aussi optimiste.

Avec 43 % des voix, l’AKP se retrouverait dans la même situation qu’en juin, obligé de composer avec l’un des trois partis de l’opposition parlementaire pour former une coalition. Selon une étude réalisée par la fondation Carnegie, le scénario le plus vraisemblable serait que l’AKP et le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), le vieux parti d’Atatürk s’entendent pour former un gouvernement. Pressés d’en finir avec l’incertitude politique et l’économie qui chancelle, les hommes d’affaires misent sur cet attelage.

Vers une troisième élection

Comme tout les oppose, les deux partis risquent de former une coalition bancale. Le CHP réclame pour sa part une enquête sur les accusations de corruption révélées en 2013 dans l’entourage de M. Erdogan, ce que ce dernier ne saurait accepter. A terme, la coalition pourrait craquer, ouvrant la porte à de nouvelles élections.

« Erdogan semble avoir peu d’enthousiasme pour cette formule. Il jouit encore d’une position hégémonique au sein du parti quand bien même, en tant que président, il devrait être politiquement neutre. Une coalition pourra émerger si Erdogan peut être convaincu qu’une nouvelle élection sera néfaste au pays et à ses ambitions politiques personelles », écrit Sinan Ulgen, co-auteur de l’étude publiée par Carnegie.

L’idée d’une troisième élection fait son chemin. « Si le résultat est semblable à celui du 7 juin, je crains qu’on envisage une nouvelle élection. Voilà pourquoi il est important qu’un seul parti gouverne », a déclaré récemment Mehmet Ali Sahin, vice-président et député de l’AKP. En attendant, l’AKP a largement abusé de sa position dominante pendant la campagne. En octobre, la chaîne publique TRT a accordé vingt-neuf heures de diffusion à M. Erdogan et trente heures à son parti l’AKP. Le CHP a eut droit à cinq heures, contre une heure et dix minutes pour le Parti de l’action nationaliste (MHP, droite nationaliste) et dix-huit minutes pour le HDP.

Le Monde

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