L’homme d’affaires américano-libanais revient, dans un entretien au « Monde Afrique », sur l’accord de paix signé entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, les enjeux du secteur minier congolais et l’urgence humanitaire liée à la guerre au Soudan.`
Un accord de paix signé, fin juin, entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Une rencontre, en août, avec le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, à la tête de l’armée soudanaise. Des voyages en Libye et dans la Corne de l’Afrique.
Depuis sa nomination surprise par Donald Trump au poste de conseiller spécial pour l’Afrique, le 1er avril, l’homme d’affaires américano-libanais Massad Boulos – dont le fils est le gendre du président américain – multiplie les initiatives diplomatiques. Il revient, pour le Monde Afrique, sur les priorités de la diplomatie américaine à l’égard du continent africain.
*Comment résumeriez-vous les nouvelles priorités de la diplomatie américaine en Afrique ?
Le président Donald Trump l’a dit simplement : nous souhaitons moins d’aide et plus de commerce. Notre politique africaine repose sur trois piliers. Le premier est de ramener la paix dans toutes les zones de conflit, notamment dans la région des Grands Lacs, au Soudan, en Libye, au Sahel.
Le second pilier, ce sont les partenariats. La politique du président Trump est d’établir des partenariats gagnant-gagnant pour l’ensemble des parties. L’idée est d’inciter des investisseurs et des entreprises américaines à investir dans les pays africains, avec le plein soutien du gouvernement des Etats-Unis et de ses institutions. De nombreux projets ont déjà été signés alors que l’administration Trump est en place depuis seulement huit mois. Enfin, le troisième pilier est d’atteindre la prospérité, qui découle de la paix et des partenariats.
*La promotion des valeurs démocratiques par les Etats-Unis est-elle encore d’actualité ?
La démocratie est toujours appréciée mais notre politique n’est pas d’intervenir dans les affaires internes des autres Etats. Les populations sont libres de choisir le système qui leur convient le mieux.
Récemment, nous avons soutenu le Gabon qui a réussi son chemin vers la démocratie [en organisant une élection présidentielle en avril] après le coup d’Etat du général Brice Oligui Nguema [en août 2023]. Le président du Gabon a vraiment fait un bon travail, en faisant des réformes constitutionnelles et économiques puis en conduisant des élections selon les normes internationales. Il a été invité à la Maison Blanche en juillet et nous le présentons comme un modèle pour les autres pays qui ont connu un coup d’Etat.
*L’African Growth and Opportunity Act (AGOA) qui, depuis vingt-cinq ans, permet à des pays africains de réaliser des exportations vers les Etats-Unis à des conditions préférentielles a expiré le 30 septembre. Quelle suite souhaitez-vous donner à cet accord ?
Notre administration soutient les objectifs de l’AGOA et nous soutenons sa prolongation. Mais cela dépend de notre Congrès qui va travailler dessus, et non de l’exécutif. Nous nous concentrons pour que le commerce, l’économie et les travailleurs américains ainsi que notre sécurité nationale en bénéficient. Tout ce qui ira dans ce sens sera bienvenu.
*Fin juin, vous avez obtenu la signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda. Pourtant, sur le terrain, l’armée congolaise et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) continuent de s’affronter. Cet accord est-il caduc ?
La paix n’est pas quelque chose que vous arrivez à atteindre en appuyant sur un bouton. L’accord signé le 27 juin était historique. Le conflit dans l’est de la RDC dure depuis près de trois décennies. Des centaines de milliers de gens sont déplacées et plus de 6 millions de personnes ont perdu la vie dans ce conflit.
Depuis la signature de cet accord de paix dans le bureau Ovale, plusieurs instruments ont été mis en place, dont le mécanisme conjoint de sécurité entre la RDC et le Rwanda. Il prévoit, d’un côté, la neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda – les rebelles hutu rwandais installés en RDC – et, de l’autre, le retrait des troupes et des armements déployés par le Rwanda.
Parallèlement, nous travaillons au cadre régional d’intégration économique sur de très nombreux dossiers, comme le secteur minier. J’espère que nous aurons finalisé cette question cette semaine.
Des tractations entre le [groupe rebelle] M23 et le gouvernement congolais se déroulent actuellement à Doha, au Qatar. Le 12 juillet, un accord de principe y avait été signé entre les deux parties. Puis il y a eu le mois d’août, un mois de vacances pour beaucoup d’acteurs, et septembre, où chacun sait ce qui s’est passé [le 9 septembre, Israël a conduit des bombardements contre une délégation de membres du Hamas, le mouvement islamiste palestinien], ce qui a créé quelques retards. Désormais, les discussions entre la RDC et le Rwanda ont repris, mais la paix sera un processus qui mettra du temps à se concrétiser.
*Votre implication en RDC vise-t-elle aussi à contester la domination chinoise dans le secteur minier dans cette région ?
Nous ne nous comparons pas à la Chine. Notre objectif premier est d’amener la stabilité dans la région, de résoudre les conflits. Une fois la paix atteinte, nous pourrons alors avoir des partenariats. Nous sommes en train de négocier un accord de coopération stratégique sur les minerais avec la RDC. Celui-ci permettra à des entreprises et des investisseurs américains de se rendre dans ce pays, et beaucoup sont déjà intéressés.
Notre objectif est aussi de soutenir le développement des infrastructures. Nous avons annoncé plusieurs projets qui sont financés publiquement, tels que des routes, des ports, des réseaux électriques dans toute la région, pas seulement la RDC, notamment avec le très stratégique corridor [ferroviaire] de Lobito, qui relie les zones minières [congolaises] au port de Lobito, en Angola.
*Le fondateur et ancien PDG de la société de sécurité privée Blackwater, Erik Prince, aujourd’hui à la tête de l’entreprise Vectus Global, qui a signé un accord dans le secteur de la sécurité avec Kinshasa, est-il un acteur de la politique américaine en RDC ?
Non, il est à la tête d’une entreprise privée et celle-ci n’est liée à aucun des piliers sur lesquels nous travaillons.
*Autre crise majeure, le Soudan. En août, vous avez rencontré en Suisse le général Al-Bourhane. Pourriez-vous faire de même avec son rival, le général « Hemetti », de son vrai nom Mohammed Hamdan Daglo, et quelles seraient vos propositions pour arriver à un accord de paix ?
Nous n’avons jamais fait d’annonce concernant une réunion spécifique, [et ce] pour le succès de nos actions, mais le plus important est que nous sommes engagés avec les deux côtés, l’armée et les Forces de soutien rapide [du général « Hemetti »]. La priorité absolue est d’obtenir des avancées dans la fourniture d’aide humanitaire alors que le Soudan est aujourd’hui la pire catastrophe humanitaire dans le monde, même si celle-ci ne reçoit pas l’attention nécessaire.
A El-Fasher, les gens mangent de la nourriture pour animaux [faute d’autre chose]. L’urgence c’est d’obtenir de l’aide pour eux. Nous devons donner beaucoup plus d’attention à cette catastrophe.
*A Washington, certaines personnalités influentes, comme le président de la sous-commission des affaires étrangères sur l’Afrique du Sénat, Ted Cruz, se disent favorables à une reconnaissance de l’indépendance du Somaliland. Votre administration l’est également ?
La politique de notre administration est très claire : nous défendons une Somalie unie et rien d’autre.
*Les Etats-Unis souhaitent-ils mettre un terme au mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental ?
Des discussions sont en cours et seront sans doute conclues la semaine prochaine. Attendons de voir ce qu’elles donneront, mais nous soutenons pleinement la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et son plan d’autonomie.
