Liban-Unesco : une polémique interne inopportune

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Le gouvernement libanais soutient officiellement la candidature de Mme Véra LACOEUILHE au poste de Directeur Général de l’UNESCO. La nouvelle a surpris le citoyen libanais ordinaire qui ignorait tout, ou presque, de l’existence de Mme LACOEUILHE ainsi que de l’Ile de Sainte-Lucie, en Mer des Caraïbes, dont elle fut membre de sa délégation auprès de l’UNESCO sous la présidence de l’Ambassadeur Gilbert CHAGHOURY, homme d’affaires libanais qui a réussi une belle carrière entre l’Afrique, les Caraïbes et le Proche-Orient. Monsieur CHAGHOURY est bien connu aujourd’hui pour ses largesses de mécène et de bienfaiteur. Une salle du Louvre de Paris porte son nom ainsi que diverses institutions éducatives de haut niveau, au Liban notamment.

C’est ainsi que Mme LACOEUILHE, en tant que déléguée permanente-adjointe de Sainte-Lucie, a eu la chance de faire preuve de sa culture et de son talent au sein de l’administration de l’UNESCO dont elle connaît apparemment tous les rouages et dont elle maîtrise tous les mécanismes de fonctionnement interne. Ceci lui a permis de devenir membre du Conseil Exécutif de l’UNESCO et représentante-suppléante du premier ministre de Sainte Lucie auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Bref, Mme LACOEUILHE, personne respectable et pleine de compétences, vient de l’intérieur du Sérail. Elle a, sans nul doute, rendu de grands services au pays qu’elle a représenté, à savoir l’île de Sainte-Lucie. Ses origines libanaises l’ont probablement prédisposée à faire preuve d’une grande habileté en diplomatie multilatérale. On aurait parfaitement compris que ce soit le gouvernement de l’Ile de Sainte Lucie qui soutienne la candidature de sa représentante. Apparemment, en tant que libanaise, elle a préféré passer par le gouvernement libanais. Sa candidature fut donc présentée suffisamment tôt, avant n’importe qui d’autre, et le gouvernement libanais aurait donc pris sa décision avec quelque précipitation puisqu’il n’y avait point d’autre candidat encore. Il est vrai que le soutien d’un gouvernement national, s’il n’est pas déterminant pour une telle candidature n’en demeure pas moins utile, surtout en matière de lobbying.

Monsieur Ghassan SALAME, personnalité prestigieuse sur le plan international, a lui aussi présenté sa candidature, mais à titre personnel puisque Madame LACOEUILHE occupait déjà le terrain de la procédure officielle libanaise. C’est ici que l’affaire a pris une certaine dimension politique embarrassante pour le gouvernement libanais, notamment pour Monsieur Tammam SALAM, un enfant de Beyrouth, la capitale que Monsieur SALAME a servi avec dévouement depuis des décennies, en tant qu’universitaire, en tant qu’homme impliqué dans l’action sociale, en tant que ministre, que négociateur etc … Le Liban peut, à juste titre, s’enorgueillir de Ghassan SALAME dont la carrière et les réalisations sont de notoriété publique.

Mais le problème, contrairement à la manière présentée par la presse libanaise, n’est pas de savoir quel est le meilleur des deux pour occuper cette fonction à l’UNESCO. Le Liban, officiel et officieux, n’a pas à s’occuper de sélectionner le meilleur candidat pour ce poste. Son rôle se limite à présenter la meilleure figure possible qui puisse représenter le Liban et rehausser son image de prestige. Nul ne met en doute la compétence technique tant de Mme LACOEUILHE que de M. SALAME. C’est en matière de notoriété personnelle et de présence internationale que la différence joue en faveur de Ghassan SALAME.

Il suffit de parcourir la liste de tous les directeurs généraux de l’UNESCO pour se rendre compte de plusieurs réalités :

  • Le candidat n’est pas nécessairement obligé d’être un fonctionnaire de cette administration (Julian HUXLEY, Jaime Torres BODET).
  • Tous les directeurs généraux furent des personnalités de très haut niveau universitaire, de grande notoriété internationale et dont le parcours personnel de vie fait honneur à leur pays d’origine.
  • Tous les directeurs généraux furent, à titre divers, de grands commis de l’Etat de leur pays d’origine : ministre, député, haut-fonctionnaire. Ils ont d’abord rendu des services à leur pays avant de jouer un rôle au sein de l’UNESCO, pour certains d’entre eux. Souvent, ce fut à titre de représentant de leur pays, de conseiller ou de président d’une commission. (Koïchiro MATSURA ; Federico MAYOR ; René MAHEU ; Vittorio VERONESE ; Luther EVANS etc.)

Nul ne peut contester à Monsieur Ghassan SALAME les mérites personnels ainsi que les services éminents qu’il a rendus à son pays, le Liban. Il a, malheureusement pour lui, été « doublé », pris de court pourrait-on dire, dans sa course par Mme LACOEUILHE. Il peut et il doit continuer à mener sa campagne ; même si le lobbying dont il devrait bénéficier serait moins aisé que dans le cas de sa rivale puisqu’il ne bénéficie pas de l’appui du gouvernement de sa patrie.

Le Liban a déjà manqué de peu ce même poste en la personne de Joseph MAÏLA, l’UNESCO lui ayant préféré l’actuelle directrice, l’excellente Irina BOKOVA, ex-ministre des Affaires Etrangères de son pays, la Bulgarie. On aurait aimé voir le Liban mettre tous les atouts de son côté et appuyer, de toutes ses forces, Monsieur Ghassan SALAME. La précipitation, et sans doute les manœuvres en coulisse, en ont décidé autrement.

Quoi qu’il en soit on souhaite, en toute sincérité, bonne chance à Ghassan SALAME ainsi qu’à sa rivale, tous deux citoyens libanais. L’universitaire qui signe ce papier ne cache pas sa préférence pour Ghassan SALAME tout en reconnaissant les qualités et les compétences du candidat officiel du Liban, Mme Véra LACOEUILHE.

acourban@gmail.com

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