Lorsque Walid Joumblatt confia en mars 2005 au Washington Post qu’il avait viré sa cuti et décidé de soutenir la politique américaine, les néo-conservateurs ont eu un « orgasme collectif ». Du jour au lendemain, le chef druze devint la coqueluche des néo-cons qui s’empressèrent de fixer (pin-up) sa photo de clown aux yeux tristes sur les murs de leurs bureaux.
Pour le chef d’une secte, qui se compte à peine par quelques centaines de milliers, l’opportunisme est synonyme de survie. Aussi, ses subites volte-face obéissent à des impératifs de nécessité plutôt qu’à des lubies saisonnières.
Si en 2005, il avait décidé de chevaucher la vague néo-conservatrice qui déferlait sur la région, il était fermement convaincu que la dictature syrienne allait tôt ou tard rejoindre le sort de la dictature irakienne dont l’ogre américain n’avait fait qu’une bouchée. Il n’y avait donc pas lieu de se mettre en travers du « chemin des éléphants ».
La « révolution du Cèdre » battait son plein et venait de recevoir le soutien solennel et appuyé des principales puissances occidentales qui s’étaient mobilisées avec une rare unanimité pour chasser du Liban l’occupant syrien accusé par la vindicte populaire de l’assassinat de Rafic Hariri. Walid Joumblatt, qui aurait retourné sa veste pour beaucoup moins, avait trouvé l’occasion trop belle pour faire la fine bouche.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. La « révolution du Cèdre » s’était éteinte avant même que ses protagonistes ne s’en rendent compte et la Syrie entamait la lente reconquête du terrain perdu. Il fallait juste laisser du temps au temps et attendre le reflux de la vague. Bien sûr, quelques assassinats par-ci par-là étaient toujours « utiles » pour signaler à l’adversaire que l’on est toujours disposé à combattre et qu’il est, peut-être, plus raisonnable de négocier.
Les déboires américains en Irak, la « victoire divine » en 2006 et la prise de la bande Gaza par Hamas se sont conjugués pour rétablir l’équilibre des forces et il ne restait plus qu’à attendre patiemment pour cueillir les fruits du « bon travail » accompli.
Comme toujours, Walid Joumblatt a été le premier à flairer le reflux. Pour ne pas prendre trop de risques, il fallait juste une petite visite à Washington pour s’assurer que ses craintes n’étaient pas infondées. Il n’a pas tardé à se rendre compte qu’effectivement le « cœur n’y était plus ».
Il fallait négocier le virage, mais Walid Bey est capable de toutes les voltiges. N’était-il pas allé embrasser l’assassin de son père à Damas car la « realpolitik » de l’époque l’exigeait ? Les diatribes contre la Syrie et contre le Hezbollah pouvaient donc cesser comme par enchantement. La solution « consensuelle » était fin prête.
Souriez, vous êtes au Liban !
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