Cri de colère d’une journaliste palestinienne vivant à Oslo contre un voile qui transforme les femmes en « cachots ambulants ».
28.04.2010 | Hanan Al-Bakir | Shaffaf
Alors que l’affaire du voile est loin d’être terminée, voici que surgit l’affaire du niqab. Elle révèle des tensions grandissantes entre les musulmans et les sociétés occidentales dans lesquelles ils résident. Si l’on a pu polémiquer autour de la question de savoir si le voile était une obligation religieuse, il est évident que le niqab ne l’est pas. Il y a tout lieu de croire qu’il est une réaction et une surenchère des extrémistes à la bataille autour du voile et aux caricatures danoises [les caricatures de Mahomet publiées en septembre 2005 dans le quotidien danois Jyllands-Posten].
Dans un cours de langue norvégienne, j’ai rencontré une femme habillée à la pakistanaise, avec un chal [foulard]laissant paraître une grande partie de sa chevelure. Elle m’a expliqué qu’elle avait passé près d’un quart de siècle en Afghanistan, où elle avait porté le niqab à l’afghane [la burqa]. Elle l’a enlevé à son arrivée en Norvège, à la demande de son mari.
Quand je lui ai demandé comment elle faisait pour voir où elle mettait les pieds et si cela ne lui était pas arrivé pas de rater un obstacle et de trébucher, elle a répondu : « Non, il y a des trous qui permettent de voir. » Je lui ai alors demandé ce qu’il en était des couleurs de la nature. « Pourquoi cette question ? » s’est-elle étonnée, « est-ce bien nécessaire de les voir ? » Il ne me restait plus qu’à me ranger à son avis et conclure qu’il n’était pas nécessaire de voir le bleu du ciel, qui n’est en effet qu’un luxe superflu !
En la quittant, je me suis demandé si la femme ne devait pas se contenter d’accomplir le « nécessaire », c’est-à-dire produire des enfants et s’occuper de la maison. Mais, dans ce cas, pourquoi Dieu l’a-t-il dotée de deux yeux, alors qu’un seul suffirait ? Au départ, la burqa couvrait le visage mais pas les yeux. On a probablement ressenti le pouvoir de séduction des yeux et compris que le regard pouvait en dire plus que mille mots. On s’est donc mis à rétrécir la fente, pour ne plus laisser apparaître que les pupilles. Rien n’y a fait, le risque de séduction était toujours là. Pour trouver la sérénité, il fallait donc cacher le regard derrière un rideau noir. C’est ainsi que les femmes voilées sont devenues un cachot ambulant. Pour moi, ce n’est qu’une manière de déclarer à la face du monde : « Je ne suis qu’une indécence, de la tête aux pieds. »
Selon un imam vivant en Australie, c’est le fait de ne pas se couvrir qui incite au viol. Pourtant, les femmes entièrement couvertes n’échappent pas à la boulimie sexuelle, comme on a pu le constater au Caire [en 2009, plusieurs femmes voilées et non voilées se sont fait violer dans les rues du Caire].
Ce qu’il y a d’étrange dans tout cela est que nous sommes dévorés par le désir que l’Occident nous ouvre les bras et nous accueille, mais que nous rejetons aussitôt sa culture et refusons de nous y intégrer.
Traduction par Courrier International
Lire l’original en arabe: