Le juge Marc Trévidic : «Leur haine ne va pas s’arrêter là»

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Par Jean-Marc Leclerc , Paule Gonzales

INTERVIEW – L’ancien juge antiterroriste aujourd’hui muté à Lille croit déceler derrière les dernières attaques à Paris le mode opératoire de djihadistes de retour de Syrie. Leur maniement des ceintures explosives serait une signature.

LE FIGARO. – Que vous disaient les derniers djihadistes que vous avez interrogé cette année?

MARC TREVIDIC.– Ceux qui ont accepté de parler nous avouaient que la France était le principal ennemi de Daech et que l’organisation terroriste allait nous punir et nous frapper tous azimuts. Or ses réserves de combattants sont inépuisables. Leur haine ne va pas s’arrêter là.

Vous aviez fortement alerté le 30 septembre sur la menace terroriste qui vient de se réaliser. Comment la Justice va-t-elle gérer l’enquête maintenant?

Face à un tel drame, il faut savoir rester humble et soutenir toutes les victimes. Mais c’était tellement évident… Comme pour les attaques de Charlie Hedbo en janvier, le parquet antiterroriste et sa petite dizaine de substituts va être renforcé de quasiment tous les parquetiers disponibles des sections de droit commun, soit une trentaine de magistrats au total. Il faut aller vite et d’abord identifier les terroristes et leur environnement familial, amical, professionnel. Les perquisitions permettront l’accès aux éventuels ordinateurs, aux mobiles, aux messageries internet, pour y voir plus clair.

Tout se joue dans les 24 heures?

Elles sont décisives, d’autant qu’une équipe peut encore frapper. Ceux des terroristes morts qui sont physiquement identifiables vont être passés aux fichiers photographiques. Et puis les spécialistes de l’antiterrorisme ont en tête beaucoup de visages. Parallèlement, le fichier des empreintes digitales, rapide à consulter, tourne. Et les analyses ADN arriveront en complément, avec comparaison avec les ADN des familles. Suivront les déplacements et les perquisitions dans les domiciles connus, les endroits fréquentés, chez les proches.

Une attaque kamikaze, on s’y attendait?

Elle n’étaient pas prévues plus spécifiquement que d’autres modes opératoires. D’ailleurs, le ou les commandos ont panaché les types d’attaque. Mais il est clair que, depuis un certain temps, l’État Islamique (EI) dispose de tellement d’effectifs qu’il n’hésite pas à les consommer dans des attentats suicides. Cela ne les dérange pas de perdre du monde. Les terroristes à visage découvert sont ceux qui ont choisi de se sacrifier.

Les frères Kouachi qui ont attaqué Charlie Hebdo étaient d’emblée encagoulés, pour leur part…

Cette attaque a mis en lumière le rôle majeur d’al-Qaida pour la péninsule arabique (Aqpa), qui n’a pas les mêmes réserves en hommes pour frapper à l’extérieur. Cette mouvance al-Qaida économise sans doute ses troupes. Les stratégies sont différentes.

Les attaques de vendredi ont donc, selon vous, la signature de djihadistes de retour de Syrie?

L’enquête doit l’établir. Mais cette maîtrise des armes et des explosifs intrigue forcément. Les ceintures explosives sont un chaîne pyrotechnique délicate. Il faut savoir les fabriquer, en connaître le fonctionnement. Les gens de retour des zones de combat en Syrie et en Irak sont formés pour cela. Il faut pouvoir circuler sans les faire exploser. Ce qui signifie du matériel fiable et beaucoup de moyens.

Propos recueillis par Paule Gonzales et Jean-Marc Leclerc

Le Figaro

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