Khaddam : «Assad planifie la partition de la Syrie»

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Par Isabelle Lasserre

NTERVIEW – L’ex-vice-président syrien affirme que le régime transfère ses armes sur le littoral, pour créer un État alaouite au nord-ouest.

L’ancien vice-président syrien, Abdel Halim Khaddam, 73 ans, vit à Paris depuis qu’il a fait défection en 2005. En novembre, il a créé le Comité national de soutien à la révolution syrienne (CNSRS), un mouvement qui voudrait rassembler tous les courants de l’opposition. Il réclame depuis plusieurs mois une intervention militaire occidentale en Syrie, pays où il a conservé de nombreux contacts.

LE FIGARO – Affirmez-vous que le régime de Bachar el-Assad est en train de transférer le matériel militaire de l’armée à l’ouest du pays, au bord de la Méditerranée, en zone alaouite?

Abdel Halim KHADDAM – Tout à fait. Bachar et son clan ont d’abord distribué des fusils et des mitraillettes dans les villes et les villages peuplés par leurs compatriotes alaouites. Depuis un mois, ils ont aussi commencé à transférer les armements lourds de l’armée, par la route, vers le littoral, en les dissimulant sur les collines et les hauteurs. 8% de la population syrienne est alaouite, même si tous les Alaouites ne soutiennent pas Bachar el-Assad. Les zones alaouites partent du sud-ouest de Homs et remontent, via Hama, jusqu’à la ville de Lattaquié, sur le littoral.

De quel type d’armements s’agit-il?

Les missiles et les armes stratégiques ont déjà intégralement été transférés. Les tanks et l’artillerie, en partie seulement, car le régime a besoin d’en garder pour assurer la répression contre les manifestants dans les villes. Bachar a également prévu d’envoyer ses avions de chasse sur l’aéroport de Lattaquié.

Quel est le but du régime?

Le président syrien a changé de tactique. Pendant longtemps, il a essayé d’envahir les villes et de bloquer les insurgés. Mais cela n’a pas marché. Il applique donc aujourd’hui un autre plan, qui vise à créer une guerre de religion, une guerre interconfessionnelle. Je sais qu’il y a un mois, il s’est confié à l’un de ses affidés libanais et lui a dit son intention de créer un État alaouite d’où il pourrait mener une guerre fratricide et confessionnelle. Il est désormais prêt à créer sa république personnelle. Il envisage de s’installer à Lattaquié. Je suis sûr qu’il existe suffisamment d’abris souterrains où lui et son clan pourraient se replier.

Pensez-vous que Bachar el-Assad joue la carte de la partition de la Syrie?

Oui. Il a en vain utilisé la force contre le peuple syrien. Il ne veut pas se rendre et subir le même sort que Kadhafi, même si, aujourd’hui, son discours politique, celui d’un homme aux abois, ressemble à 100% à celui de l’ancien président libyen. Il ne veut ni fuir ni quitter le territoire. Il a refusé toutes les opportunités qui lui ont été offertes par la Ligue arabe. La force ayant échoué, il ne lui reste donc plus qu’à mettre en place son plan de déstabilisation et de partition de la Syrie, qui entraînerait la destruction du pays.

Pensez-vous que ce plan puisse réussir?

Non, car la population syrienne va continuer à se battre pour défendre l’unité et l’intégrité territoriale du pays. Je pense que ce projet finira par précipiter sa fin. Mais il est néanmoins très dangereux pour la Syrie. Car pour faire échec à la partition, certains insurgés n’hésiteront pas à faire appel à tous les radicaux du monde islamique. Les terroristes risquent donc d’entrer dans le jeu syrien. Le monde arabe se caractérise par un pluralisme ethnique et religieux. L’instabilité risque donc de se propager à toute la région.

Pourquoi l’armée syrienne libre n’a-t-elle pas essayé de bloquer les transferts des convois militaires à destination des zones alaouites?

Parce que l’armée libre n’existe pas dans toutes les régions. Et parce que les routes sont contrôlées par l’armée régulière, celle de Bachar.

Le Figaro

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