Irak : al-Abadi menacé par la crise politique

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 Le premier ministre est sous la pression de la rue et ne parvient pas à former un gouvernement de technocrates, auquel s’oppose une large partie de la classe politique.

Après une pause de 24 heures, la bronca devrait reprendre ce jeudi à Bagdad. Sous la pression de la rue, le premier ministre Haïdar al-Abadi doit s’adresser au Parlement, deux jours après avoir affronté la fronde des députés sur son projet de nommer un nouveau gouvernement de technocrates.

Mardi, lors d’une nouvelle réunion censée voter la confiance à une nouvelle équipe ministérielle, des députés ont empêché le chef du gouvernement de s’exprimer en lançant dans sa direction des bouteilles d’eau. Ils ont également conspué le chef du Parlement, Salim al-Joubouri, en le qualifiant «d’illégitime» et criant : «Salim, dehors, dehors!»

« Le premier ministre est en position de faiblesse jusque dans son propre parti, le Daa’wa. Son prédécesseur Nouri al-Maliki, qui cherche à le faire tomber, est resté l’homme fort de la formation chiite»

Hosham Dawood, universitaire

Al-Abadi tente depuis des semaines de mettre en place un gouvernement de technocrates pour remplacer des ministres affiliés aux formations politiques qui se partagent le pouvoir et sa manne financière et sécuritaire. Mais jusqu’à maintenant, le premier ministre s’est heurté à un refus clair et net d’une large partie de la classe politique irakienne. Un an et demi après sa nomination, sur fond de crise budgétaire liée à la chute des cours du pétrole, Haïdar al-Abadi se trouve dans une impasse politique dont il ne parvient pas à s’extraire.

«Le premier ministre est en position de faiblesse jusque dans son propre parti, le Daa’wa, analyse l’universitaire Hosham Dawood. Son prédécesseur Nouri al-Maliki, qui cherche à le faire tomber, est resté l’homme fort de la formation chiite.» Et dans son combat pour nommer des technocrates au gouvernement, al-Abadi ne peut guère compter sur ses alliés des autres partis chiites, notamment celui d’Ammar al-Hakim, réticent à s’engager dans une voie qui affaiblirait son groupe au Parlement.

«Nous voulons que les ministres soient indépendants»

Un manifestant

Si Abadi venait à chuter, il reviendrait à Maliki, écarté du pouvoir en 2014 pour son sectarisme anti-sunnite, de former une nouvelle équipe gouvernementale. Pour conjurer une telle perspective, le premier ministre brandit la menace d’un retour de Maliki à la direction de l’Irak. Personne ne semble vouloir un tel come-back. «Américains et Iraniens sont d’accord pour garder al-Abadi», assure Hosham Dawood.

En parallèle à cet imbroglio, des milliers d’Irakiens ont manifesté mardi à proximité du Parlement pour réclamer des réformes. À l’appel du puissant leader chiite Moqtada Sadr, ils scandaient que tous les «hommes politiques sont des voleurs», en se dirigeant vers la zone verte, le secteur ultrasécurisé de Bagdad, siège des principales institutions de l’État. «Nous voulons que les ministres soient indépendants», s’écriait l’un d’entre eux, cité par l’AFP. Selon lui, «le gouvernement a échoué dans tous les domaines».

Quotas politiques et confessionnels

Depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, les postes clés au gouvernement sont partagés sur la base de quotas politiques et confessionnels, une pratique avec laquelle les manifestants veulent rompre. En février, al-Abadi avait appelé à un changement «fondamental» au gouvernement pour que ce dernier inclut «des personnalités professionnelles et technocrates et des universitaires». Fin mars, al-Abadi a présenté au Parlement une liste de 13 candidats qui avait été rejetée. Les blocs politiques avaient alors proposé leurs propres candidats, remplaçant sur une nouvelle liste la plupart des noms suggérés par Abadi.

Mardi, les députés ont approuvé une partie des candidats proposés, notamment aux ministères de l’Électricité, de la Santé, de l’Éducation supérieure, du Travail et des Ressources hydrauliques. Au cours des prochains jours, le premier ministre devrait en proposer d’autres pour les postes vacants. Mais d’ores et déjà, al-Abadi a averti que la crise politique en cours risquait, si elle se poursuivait, de gêner la guerre livrée aux djihadistes du groupe État islamique, qui contrôle toujours des régions entières du nord et de l’ouest de l’Irak. Les États-Unis et l’ONU ont également exprimé leur inquiétude.


Djihadistes étrangers: la décrue

Le nombre de combattants étrangers entrant en Irak et en Syrie pour rejoindre le groupe État islamique (EI) est en forte baisse depuis environ un an, a déclaré mardi le général américain Peter Gersten. Selon lui, quand il est arrivé à Bagdad il y a un an, de 1.500 à 2.000 combattants étrangers rejoignaient les rangs de l’EI chaque mois. À présent, «nos estimations sont tombées à environ 200» par mois «et nous voyons davantage de désertions parmi ces combattants», a-t-il dit.

Le général Gersten a attribué cette forte diminution avant tout au fait que la coalition internationale a frappé les caches d’argent liquide de l’EI: une vingtaine de raids de ce type ont été menés, qui ont permis de détruire environ 800 millions de dollars, autant de réserves en moins pour les djihadistes. Washington avait estimé il y a quelques mois ce nombre à entre 20.000 et 31.500 combattants, mais le département d’État a affirmé qu’il avait baissé.

Le Figaro

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