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L’élection du président Joseph Aoun et la désignation du premier ministre Nawaf Salam laissent espérer un déblocage des institutions.
Je suis très heureux de revenir, je me souviens comme si c’était hier (de ma dernière visite en 2020, NDLR) ». Vendredi, Emmanuel Macron est de nouveau allé à la rencontre des Libanais. Pendant plus de deux heures, il s’est adonné à une déambulation dans le quartier de Gemmayzé, à Beyrouth.
Le 6 août 2020, quarante-huit heures après l’explosion meurtrière dans le port de la capitale qui avait tué plus de 200 personnes, le président français avait été le premier dirigeant étranger – avant même les responsables libanais – à venir physiquement témoigner, dans ce quartier, de sa solidarité avec une population meurtrie par le drame. « Il était le sauveur à l’époque », se rappelle Elie, un habitant de Gemmayzé.
Quatre ans plus tard, la ferveur populaire est moindre. Mais au fur et à mesure que le chef de l’État avance, des grappes de Libanais viennent lui serrer la main, le féliciter ou réclamer un selfie. La main sur le cœur, ildistribue des « courage à vous », allusion aux efforts qu’il leur reste à faire pour redresser le pays.
À son arrivée en haut des escaliers du collège grecorthodoxe des Trois-Docteurs, fondé en 1835, il est acclamé par des élèves de cet établissement, dont la France – via l’Œuvre d’Orient et la Fondation Aliph – a financé la reconstruction après le drame de l’été 2020. Pourtant, en cet hiver 2025, le « sauveur » du Liban n’est plus Emmanuel Macron. « S’il était venu avec le président Joseph Aoun, il y aurait eu beaucoup de monde à Gemmayzé », observe Mohammed, un marchand.
Après deux ans de vacance du pouvoir, le Liban a désigné le 9 janvier le commandant en chef de l’armée comme président de la République. Dans la foulée, à la surprise quasi-générale, le 13, un premier ministre a été nommé en la personne de Nawaf Salam. C’est ce nouveau tandem à la tête de l’exécutif libanais qu’Emmanuel Macron est venu conforter lors de sa visite éclair vendredi. « Vous incarnez l’espoir », a-t-il déclaré en milieu de journée devant Joseph Aoun lors d’une brève déclaration à la presse.
Après des décennies de tutelle plus ou moins directe exercée par une multitude d’acteurs régionaux, le Liban est engagé dans le recouvrement de sa souveraineté. Le duo à la tête de son exécutif n’est plus issu des arrière-cuisines politiciennes, celles-là même dont Emmanuel avait échoué à tordre le bras lors de ses visites en 2020. Parmi ces anciens « zaïm » (chefs de clans) qui l’avaient roulé dans la farine il y a quatre ans, Emmanuel Macron n’a d’ailleurs rencontré que Nabih Berri, l’inoxydable chef du Parlement, encore incontournable dans le système confessionnel libanais.
« Il faut un retrait total d’Israël »
Les défis pour le redressement du pays sont gigantesques. D’abord, veiller au maintien du cessezle-feu entre le Hezbollah et Israël au sud, après des mois de bombardements de Tsahal qui ont tué 4 000 personnes et déplacé 1,3 million d’habitants. Il est fragile. « Le retrait israélien (du Sud, NDLR) doit s’accélérer, il faut un retrait total d’Israël », a affirmé Emmanuel Macron devant Joseph Aoun, en annonçant la formation de 500 soldats libanais par la France. En vertu de cet accord de cessez-le-feu, les militaires libanais doivent remplacer les miliciens du Hezbollah. Sur les 15 000 hommes prévus, 4 500 ont déjà accompli cette tâche.
Selon plusieurs sources françaises, le Hezbollah joue le jeu de son retrait du Sud, même s’il y a des violations des deux côtés. Détail encourageant et symptomatique d’une nouvelle ère qui s’amorce : « Les forces armées libanaises traitent les caches d’armes du Hezbollah signalées par l’armée israélienne au mécanisme américano-français de surveillance du cessez-le-feu », se félicite un haut responsable français.
Emmanuel Macron a affirmé au président Aoun que la France soutenait sa volonté de voir l’État libanais détenir le monopole des armes au Liban. « Le Hezbollah doit être complètement désarmé », a rappelé Emmanuel Macron. Une tâche extrêmement délicate dans un pays où les tensions communautaires restent à fleur de peau. Mais après sa défaite face à Israël et le renversement de son allié syrien Bachar elAssad, la milice chiite financée et armée par l’Iran doit d’abord panser ses plaies.
Plus que la désignation de Joseph Aoun, c’est celle de Nawaf Salam, candidat non désiré par le Hezbollah au poste de premier ministre, qui a surpris. « Il y a eu comme un effet de souffle après la victoire de Joseph Aoun, qu’on arrive encore mal à décrypter », confie au Figaro Jean-Yves Le Drian, l’émissaire d’Emmanuel Macron pour le Liban. Depuis, ajoute une source diplomatique, « le Hezbollah envoie des signaux mixtes, refusant de participer aux consultations parlementaires tout en se déclarant ouvert sur d’autres priorités ».
La plus urgente est la formation d’un gouvernement, capable d’entamer les réformes pour redresser le pays. Nawaf Salam, avec qui Emmanuel Macron s’est entretenu en fin de visite, privilégierait l’option d’un cabinet de technocrates pour répondre notamment aux exigences du Fonds monétaire international. « Mais ses ministres ne peuvent pas être, non plus, complètement détachés de la politique, alors que luiSurle même thème même et le président Aoun ne sont pas issus de la sphère politique », décrypte un diplomate.
Dans un pays qu’il dit chérir, Emmanuel Macron a pu se rendre compte de visu qu’une nouvelle page s’écrivait au Liban, seul pays du Moyen-Orient où la France dispose encore d’une réelle influence. « Le Liban est la promesse qu’il y a une autre voie que le repli ethnique ou religieux », a-t-il lancé, comme pour encourager ses nouveaux dirigeants à œuvrer en faveur de son unité et sa souveraineté.