La crise financière que traversent le monde et bien entendu la France vient de remettre à l’ordre du jour le problème de la règlementation des relations financières avec l’Etranger et plus particulièrement avec les « paradis fiscaux ».
A la fin de la guerre, la loi N° 66-1008 du 28 décembre 1966 avait rétabli la liberté des relations financières entre la France et l’Etranger que le Pouvoir pouvait d’ailleurs remettre en cause, « en cas de survenance de difficultés économiques » et ce par voie règlementaire.
Le problème des avoirs clandestins à l’étranger a toujours occupé une place prépondérante dans les mesures que les gouvernements successifs ont été amenés à prendre dans cette perspective.
C’est ainsi que l’article 101 de la loi de finances pour 1982 a prescrit le rapatriement de tous les avoirs détenus à l’étranger quelle qu’en soit l’ancienneté et prévu des sanctions pour ceux qui passeraient outre à cette obligation, règlementation qui fut non supprimée mais allégée en 1987.
L’adoption par le Conseil des communautés européennes le 24 juin 1988 d’une directive qui imposait aux Etats Membres d’assurer sans restriction la libre circulation des capitaux entre ces Etats et les pays tiers, confortée par le Traité de l’Union européenne (Maastricht du 7 février 1992) n’allait pas empêcher la France de prendre des mesures « d’essence fiscale ou douanière » pour éviter que la libération des changes n’entraîne une évasion fiscale.
C’est ainsi que la loi de finances pour 1990 prévoyait entre autres textes que « Les personnes physiques, les associations, les Sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France sont tenues de déclarer en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger »,
les sommes litigieuses constituant sauf preuve contraire des revenus imposables.
La mesure n’allait s’appliquer finalement qu’aux avoirs égaux ou supérieurs à 10000 €.
Mais il faudra attendre 2008 pour que soient plus fortement pénalisés les avoirs détenus clandestinement dans des Etats qui n’ont pas passé avec la France des conventions d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale permettant l’accès aux informations bancaires et qu’interviennent des accords de coopération dans ce domaine.
Sur le plan national, la loi de finances rectificative pour 2008 a augmenté le montant de l’amende pour non déclaration de ces avoirs (qui comprennent les contrats d’assurance-vie souscrits par des personnes physiques à l’étranger) mais surtout a porté de trois à dix ans le délai de prescription de l’Administration.
Sur le plan international et compte tenu de l’importance des avoirs détenus clandestinement à l’étranger et de la crise mondiale, les dirigeants du G 20 lors du sommet de Washington en novembre dernier ont mis l’accent sur la nécessité de promouvoir la signature d’accords d’échanges bilatéraux de renseignements fiscaux, formule à laquelle auraient déjà adhéré une vingtaine de pays.
Mais pourra-t-on pour autant parler de la disparition du secret bancaire ? Rien n’est moins certain et en tout état de cause la « transparence » ne pourra s’apprécier qu’à la lumière des dispositions que comporteront les accords déjà conclus et ceux à venir qui pourront viser la fraude fiscale, les délits financiers, le blanchiment et les procédures y afférentes.
On peut s’interroger sur l’efficacité de ces accords compte tenu des conditions de leur mise en œuvre, de la lenteur des procédures dont ils seront éventuellement l’objet et des échappatoires auxquelles ne manqueront pas de recourir des détenteurs d’avoirs peu scrupuleux.
Mais la prise de conscience par une majorité de pays et leurs citoyens de la gravité de la situation financière mondiale, les incitera peut-être à un « supplément d’âme ».
Et à cet égard, une remarque s’impose.
Le Pouvoir semble s’être refusé à une mesure d’amnistie au nom d’une « Morale » qui constituerait la base de sa gouvernance.
Il faut donc rappeler qu’après 1981, à la suite de l’hémorragie de capitaux qu’avait provoquée l’arrivée au pouvoir des socialistes, le gouvernement ne s’attardant pas à la morale avait accordé une amnistie à ceux qui souhaitaient, tant sur le plan douanier que fiscal régulariser leur situation moyennant le paiement d’une taxe dite de « légitimation » de 25 % au départ ramenée ensuite à 10 %.
On peut se demander si cette mesure ne permettrait pas le rapatriement de capitaux dont l’économie de la France semble avoir le plus grand besoin, ce qui d’ailleurs n’aurait pas empêché la conclusion d’accords d’assistance.
* Avocats à la Cour