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Après la mort de l’émir, le Koweït devrait poursuivre sa diplomatie régionale « équilibrée »

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Le nouvel émir du Koweït, Nawaf Al-Ahmed Al-Sabah (en noir) suit le corps de son demi-frère, l’ancien émir Sabah Al-Ahmad Al-Sabah, peu avant son enterrement au cimetière Sulaibikhat, à Koweït, le 30 septembre. 

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Cheikh Nawaf, qui succède à son demi-frère décédé le 29 septembre, entretient de bonnes relations avec Abou Dhabi et Riyad, comme avec le Qatar et l’Iran.

 

Au sommet de l’Etat koweïtien, le rajeunissement n’est pas à l’ordre du jour et le changement probablement non plus. Après l’annonce, mardi 29 septembre, du décès de l’émir Sabah Al-Ahmad Al-Sabah, qui régnait sur la pétromonarchie depuis 2006 et s’est éteint à l’âge de 91 ans, dans l’hôpital du Minnesota (nord des Etats-Unis) où il était traité depuis juillet, c’est le prince héritier, son demi-frère Nawaf Al-Ahmed Al-Sabah, âgé de 83 ans, qui a été intronisé.

Le nouveau monarque, vieux routier de la politique koweïtienne, qui était ministre de la défense lors de l’invasion irakienne de 1990, a prêté serment mercredi, devant le Parlement, institution-clé de l’émirat, qui jouit du système politique le plus ouvert de la péninsule arabique. Le visage couvert d’un masque anti-coronavirus, le cheikh Nawaf s’est engagé à poursuivre l’œuvre de son prédécesseur, infatigable médiateur, attaché à l’unité du Golfe et du monde arabe.

Les funérailles du défunt, dont la dépouille a été rapatriée par avion des Etats-Unis, se sont déroulées le même jour, dans une mosquée de la capitale, Koweït, en cercle restreint, du fait des mesures de lutte contre l’épidémie de Covid-19. Alors que les dignitaires autorisés à participer à la prière se prosternaient, le nouvel émir est demeuré assis sur un fauteuil, le signe d’une santé probablement fragile. Seuls deux responsables étrangers ont participé à la cérémonie, l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al-Thani, et le ministre de l’intérieur des Emirats arabes unis (EAU), Saïf Ben Zayed Al-Nahyan.

Guerre froide entre monarchies

La présence de représentants de ces deux Etats, qui sont à couteaux tirés depuis plus de trois ans, atteste de l’aura dont jouissait le cheikh Sabah. Ministre des affaires étrangères de son pays pendant quatre décennies, il fut un pôle de stabilité dans une région pleine de turbulences, toujours prêt à désamorcer les crises et à collecter de l’aide humanitaire pour ses frères arabes. Aussi bien l’Iran que l’Arabie saoudite, les deux puissances en lutte pour la suprématie au Proche-Orient ont d’ailleurs salué la mémoire du vieux sage du Golfe.

Compte tenu de son âge, de sa proximité avec le défunt et du poids du Parlement dans le processus de décision koweïtien, il est fort peu probable que cheikh Nawaf dévie de cette ligne très consensuelle. Durant l’hospitalisation de Sabah, celui qui était encore prince héritier a fait parvenir un message écrit à l’émir qatari. L’initiative a été interprétée comme le signe de sa volonté de rester neutre dans la guerre froide qui déchire les monarchies de la péninsule, voire de réactiver les efforts de médiation de son aîné.

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Les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite et Bahreïn ont rompu toute relation en 2017 avec le Qatar, qu’ils accusent de collusion avec les groupes terroristes dans la région, ce que Doha dément formellement. Il est tout aussi douteux que le nouveau souverain, dont le pays compte une importante minorité de chiites, présents à l’assemblée et dans le gouvernement, rallie le front anti-Iran, mené par Washington et ses alliés arabes, Riyad et Abou Dhabi. Contrairement au royaume saoudien, dont il est pourtant très proche, Koweït a conservé des relations diplomatiques cordiales avec Téhéran. « Cette diplomatie équilibrée est notre marque de fabrique, relève Bader Al-Seif, chercheur au centre Carnegie. Le gouvernement ne peut pas la changer sans passer par le Parlement. »

Berceau du Fatah

Dans la foulée des accords de normalisation scellés cet été entre Israël d’un côté et les EAU et Bahreïn de l’autre, le ministère des affaires étrangères de l’Etat hébreu a envoyé lui aussi un communiqué de condoléances. Mais il en faudrait beaucoup plus pour que le Koweït, qui fut le berceau du Fatah, le parti de Yasser Arafat, renonce à son tropisme propalestinien et emboîte le pas de ses voisins. « Sur les 50 membres de l’Assemblée, 37 ont signé une déclaration condamnant la reconnaissance d’Israël par les Emirats arabes unis », souligne Bader Al-Seif.

C’est sur le terrain économique et social que l’émir Nawaf est le plus attendu. La principauté, qui pompe 2,7 millions de barils de pétrole par jour, compte d’énormes réserves fiscales, estimées à 644 milliards de dollars (584 milliards d’euros) par le Fonds monétaire international (FMI). Mais, depuis l’effondrement des cours de l’or noir à la mi-2014, le budget du gouvernement est dans le rouge. Ce déficit, aggravé par le très dispendieux système de subventions étatiques et le ralentissement économique dû aux mesures de confinement, a conduit l’agence financière Moody’s à abaisser la semaine dernière la note souveraine de la principauté.

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Pour assainir les comptes de la nation, le nouvel émir devra pacifier les relations entre l’exécutif et le Parlement, chaotiques depuis une quinzaine d’années. Ses récentes entrevues avec des représentants de l’opposition entretiennent l’espoir d’une rupture avec l’autoritarisme grandissant manifesté ces dernières années par le cheikh Sabah. « Nawaf est un homme de dialogue, modeste, estime le politiste Chafiq Ghabra. Il pourrait s’engager sur la voie de la réconciliation avec les opposants qui résident à l’étranger. » Notamment Moussallam Al-Barak, l’ex-trublion de l’Assemblée, grande voix du camp social-démocrate, parti vivre à Istanbul.

L’identité du futur prince héritier, que le monarque a un an pour désigner, sera aussi scrutée de près. Elle indiquera si le Koweït se prépare à passer le pouvoir à une nouvelle génération, comme c’est le cas en Arabie saoudite, ou si la vieille garde continue à s’accrocher au trône.

LE MONDE

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