La comédienne, qui s’exprime pour la première fois depuis son accident vasculaire, est revenue sur sa relation avec l’acteur du Mépris avec lequel elle a partagé l’écran dans onze films.
Elle ne s’était pas exprimée publiquement depuis son accident vasculaire en novembre. C’est pour rendre hommage à Michel Piccoli que Catherine Deneuve a décidé de s’exprimer pour la première fois depuis de longs mois. Pour Les Inrocks , l’actrice revient sur sa relation avec l’acteur du Mépris, avec lequel elle a partagé l’écran à de nombreuses reprises depuis les années 1960.
«Michel et moi avons tourné beaucoup de films ensemble, se souvient la comédienne de 76 ans. Onze, me semble-t-il. Ça a créé un lien assez fort entre nous, mais que je ne qualifierais pas d’amitié, car nous nous sommes assez peu vus en dehors de ces tournages. Mais notre complicité dans le travail était très forte et elle s’est prolongée sur un temps très long. Nous adorions nous retrouver. Un lien intime, une compréhension mutuelle, un amusement à être ensemble, se remettaient immédiatement en place à chaque fois que nous tournions ensemble.»
Catherine Deneuve raconte ensuite ses souvenirs de chacune de leurs apparitions à l’écran depuis Les Créatures (Agnès Varda, 1965). «Michel et moi nous sommes d’emblée très bien entendus, déclare-t-elle. J’appréciais beaucoup son humour, son charme, sa malice, une forme de réserve aussi.» L’actrice se souvient de la complicité entre Piccoli et Juliette Greco, venue assister au tournage de Belle de Jour (Luis Buñuel, 1967). «Je prenais beaucoup de plaisir à les observer, explique-t-elle. Je me souviens que Michel était très précautionneux avec elle, et en même temps il y avait entre eux une atmosphère extrêmement blagueuse, une joute perpétuelle. Ils se mesuraient sans cesse l’un à l’autre sur le terrain de l’ironie, de la dérision. C’était très charmant.»
De toutes leurs expériences communes, La Chamade (Alain Cavalier, 1968) aura presque fait battre le cœur de la comédienne pour Piccoli. «C’est probablement le tournage sur lequel nous avons été le plus proches, confie-t-elle. Nous avions beaucoup de scènes ensemble. Cela tenait aussi à la nature de ce que nous devions jouer: une intimité de couple très forte. Tout à coup, il devenait un homme que j’aurais pu aimer. C’est un souvenir très intense.»
Après deux films de Marco Ferreri dans les années 1970 (Liza et Touche pas la femme blanche), le duo ne s’est pas recroisé devant une caméra pendant plus de 20 ans. «À partir des années 1990, nous nous sommes donc retrouvés quelquefois, mais souvent le temps d’une scène, de façon un peu courte, parce que, lui ou moi selon les cas, ne faisions qu’une participation au film», précise l’actrice des Demoiselles de Rochefort.
Les Lignes de Wellington (Valeria Sarmiento, 2012), marque la dernière collaboration Deneuve-Piccoli à l’écran. «En tant que personne, sa sensibilité, à la fois délicate et par moments assez brusque, me plaisait beaucoup, conclut la comédienne. Bien sûr, je l’aimais aussi énormément comme acteur. Son jeu était extrêmement subtil. Et surtout, presque toujours, remarquablement ambigu.»
Michel Piccoli, quant à lui, se souvenait avoir été aux côtés de Deneuve sur le tournage de Benjamin ou Les mémoires d’un puceau, lorsque celle-ci a appris le décès de sa sœur Françoise Dorléac en 1967. Dans une interview accordée à L’Express en 2000, il expliquait l’avoir baptisée affectueusement «la petite». «Je l’ai surnommée ainsi parce que la première fois que l’on a tourné ensemble, elle était non seulement beaucoup plus jeune que moi, mais aussi craintive, presque fragile, déclarait-il à l’hebdomadaire. Je continue de l’appeler “la petite” parce qu’on a toujours la même différence d’âge et que ce n’est pas parce que c’est une star que je vais changer mes habitudes.»