Les propos publiés hier par un média local proche du Hezbollah – concernant la nécessité de former un nouveau cabinet au plus vite et de préserver l’alliance de Mar Mikhaël avec le Courant patriotique libre (CPL) – constituent un message clair et direct de la part du parti chiite au mandat Aoun, selon des milieux proches de l’entente de Meerab entre le CPL et les Forces libanaises (FL).
De sources bien informées, le Hezbollah serait prêt à aplanir les obstacles qui entravent la formation du gouvernement et serait particulièrement attaché au maintien de la coordination avec Michel Aoun à Baabda, comme lorsqu’il se trouvait à Rabieh. Le message adressé via ce quotidien local vise donc à soutenir le mandat et à préciser que le parti chiite n’entend pas lâcher le document d’entente conclu avec le CPL.
Ce nouveau développement ne saurait être interprété autrement que comme un « saut » par-dessus le mandat octroyé au président de la Chambre, Nabih Berry, de négocier au nom du tandem chiite Amal-Hezbollah concernant le nouveau cabinet. Des sources FL estiment ainsi que le pays est entré dans une nouvelle étape dont les premiers signes commenceront à apparaître bientôt.
La raison de ce changement d’attitude de la part du parti chiite serait la rencontre qui s’est déroulée la semaine dernière entre le chef du CPL, le ministre Gebran Bassil, et le responsable sécuritaire du Hezb, Wafic Safa, et qui aurait permis de clarifier la nature de la relation entre Haret Hreik et Rabieh/Baabda, après les interrogations suscitées, au sein du parti, par le discours d’investiture du président de la République et les positions exprimées par le chef de l’État et son gendre concernant la neutralité du Liban, et l’ouverture sur les pays du Golfe et l’Arabie saoudite – au point qu’il a été question d’une visite du général Aoun à Riyad comme premier déplacement de ce dernier à l’étranger.
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La rencontre Bassil-Safa a donc décanté le climat et confirmé le respect par le président Aoun de ses engagements auprès du Hezbollah sans aucun changement. Elle aurait permis de souligner que c’est en tant que candidat des forces du 8 Mars que Michel Aoun se trouve aujourd’hui au palais présidentiel et qu’il n’a pas modifié ses options concernant le parti chiite. Son approche est cependant différente, dans la mesure où il se doit aujourd’hui d’être « le père de tous » et d’observer la même distance vis-à-vis de tous du fait de sa nouvelle fonction.
Les éclaircissements apportés par M. Bassil auraient été suffisants, si bien que le Hezbollah, précédé en « éclaireur » par son bloc parlementaire dans son dernier communiqué, s’est empressé de modifier sa position par le biais du quotidien précité. Selon des sources proches du dipôle chiite, ces derniers messages du Hezbollah ont voulu mettre un terme aux critiques et aux accusations adressées par certains au parti chiite, notamment par les FL et leur président Samir Geagea. Le discours de M. Geagea selon lequel le Hezbollah n’aurait pas voulu de Michel Aoun à Baabda dans le but d’entretenir le vide institutionnel et, ultimement, d’aller vers une nouvelle Constituante, aurait donc dérangé le parti chiite. Ce dernier aurait ainsi voulu couper court à cette rhétorique et empêcher les FL de s’approprier le rôle de tout temps dévolu à Nabih Berry, à savoir celui de « parrain » du mandat. C’est pourquoi le Hezbollah a mandaté M. Berry au nom du dipôle chiite, préférant pour sa part rester à l’écart de l’arène dans un premier temps. Samir Geagea cherche à « créer un tandem chrétien avec le CPL en vue de former une alliance électorale avec ce dernier aux prochaines législatives », accusent les sources du 8 Mars, dans une attitude hostile aux positions du président des FL. Il chercherait ainsi à « profiter » du nouveau mandat pour « consolider sa présence au sein de la rue chrétienne », notent ces sources.
Toujours selon des sources proches du 8 Mars, le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, devrait prendre la parole cette semaine pour répondre aux accusations dont le Hezbollah fait l’objet depuis le début du mandat Aoun. Il devrait également annoncer que des efforts seront déployés pour surmonter les obstacles qui empêchent la formation du cabinet. Des contacts seraient en cours entre Baabda, Haret Hreik et Bnechii pour régler la question de la participation des Marada, dont le chef devrait se rendre au palais présidentiel dans les prochains jours pour mettre fin au conflit qui l’oppose au chef de l’État. Le Hezbollah œuvre en effet à rétablir les liens entre les composantes du 8 Mars, en vue d’une réunion qui regrouperait toutes les composantes de cette coalition, dans la banlieue sud, après la formation du nouveau cabinet.
Le secrétaire général du Hezbollah aurait en effet besoin d’une couverture légale à l’étape actuelle, d’où sa volonté de mettre fin au blocage. La passation des pouvoirs aux États-Unis approche, et Donald Trump, qui a déclaré la guerre au terrorisme en coopération avec la Russie sans accorder la moindre attention à l’Iran, suscite des inquiétudes à Téhéran et chez ses alliés. Le Congrès US ne vient-il pas d’ailleurs de renouveler les sanctions économiques contre l’Iran, dans ce que d’aucuns considèrent comme un message de l’administration US aux « organisations terroristes » pro-iraniennes ?