L’éclairage
Le paysage politique témoigne actuellement d’une nouvelle polémique axée sur les échéances constitutionnelles dans le pays, à leur tête l’élection du président de la République et la formation d’un nouveau gouvernement.
D’autres questions concomitantes se posent également, à savoir le sort du gouvernement démissionnaire de Nagib Mikati en cas d’impossibilité de mettre sur pied une nouvelle équipe, et surtout, la question de savoir qui remplira la tâche du chef de l’État si un successeur n’a pas été élu entre-temps.
À ce propos, le président du Parlement a coupé court aux différentes interprétations qui ont circulé au sujet du quorum nécessaire pour l’élection du président de la République, véhiculée notamment par l’ancien ministre, Sleimane Frangié, et par Samir Geagea qui avaient avancé l’idée d’un quorum de 50 députés plus un pour assurer l’élection à la première magistrature. Nabih Berry a fini par trancher : le quorum constitutionnellement requis pour élire un président est constitué des deux tiers de l’Assemblée, soit 85 députés, une condition sans laquelle, a-t-il clairement dit, il ne présidera pas la séance.
Le chef du législatif s’est également prononcé sur l’hypothèse d’un nouveau gouvernement qui n’aurait pas obtenu la confiance du Parlement en affirmant qu’un tel gouvernement ne peut exercer les prérogatives du chef de l’État en cas de vide au niveau de cette fonction et si les députés ne parviennent pas à choisir un successeur à Michel Sleiman qui persiste et signe de son côté qu’il réintègrera son domicile à Amchit le 26 mai prochain. Le président du Parlement, qui dit vouloir éviter d’évoquer l’échéance présidentielle jusqu’au mois de mars prochain, a invité par ailleurs les chefs de pôles politiques à œuvrer en vue de la mise en place d’un gouvernement sur base de la formule 6-9-9 sans aucune condition préalable.
De leur côté, les forces du 14 Mars continuent d’accuser M. Berry de faire obstruction de la formation du gouvernement et à torpiller les efforts déployés par le Premier ministre désigné, Tammam Salam qui, lui, reste attaché à la formule du 8-8-8. Alors que la position du 14 Mars reste inchangée pour ce qui est de son refus de participer à un gouvernement qui regroupe le Hezbollah tant que ce dernier n’a pas retiré ses combattants de Syrie et ne s’est pas engagé à avaliser la déclaration de Baabda, le Hezbollah, lui, a clairement signifié à qui veut l’entendre qu’il refuse la formation d’un gouvernement en dehors des conditions posées par le parti. Celles-ci se résument à trois : le tiers de blocage, le triptyque peuple-armée-résistance et enfin le refus que soit examinée la question des armes et la stratégie de défense, ayant estimé par ailleurs que la déclaration de Baabda est devenue lettre morte.
Berry, quant à lui, a mis en garde contre le risque de voir MM. Sleiman et Salam recourir à la formation d’un gouvernement les derniers dix jours précédant la fin du mandat de l’actuel président, voire même durant les deux derniers mois précédant l’échéance, car il estime qu’un gouvernement n’ayant pas obtenu la confiance du Parlement ne peut s’acquitter des tâches présidentielles.
Et comme à chaque fois que le pays fait face à une échéance constitutionnelle, les avis des experts ont divergé encore une fois. Selon un magistrat qui fut ancien ministre, à la naissance d’un nouveau gouvernement et dès la parution des décrets l’entérinant, il devient constitutionnel et tire sa légitimité une fois la confiance obtenue, ce qui met automatiquement fin au mandat de l’ancien exécutif. Toujours selon cet avis, la nouvelle équipe en place peut alors assumer les responsabilités présidentielles pour ce qui est des questions de routine, mais doit toutefois œuvrer d’arrache-pied à l’élection d’un nouveau président.
Le chef de l’État aurait d’ailleurs demandé avec insistance à M. Salam de lui soumettre une proposition pour la formation d’un gouvernement avant le 25 mars prochain afin de pouvoir ouvrir la voie à la discussion de la déclaration ministérielle. À défaut d’obtenir la confiance de l’Assemblée, ce gouvernement sera alors chargé d’expédier les affaires courantes jusqu’à la désignation d’un nouveau Premier ministre. C’est d’ailleurs pour éviter cet écueil que le leader druze, Walid Joumblatt, a prévenu à l’avance qu’il désignera à nouveau Tammam Salam,en cas de nouvelles consultations. Enfin, selon un diplomate européen, les gouvernements occidentaux ne sont plus intéressés par le dossier présidentiel pour l’instant, mais préfèrent concentrer leurs efforts pour inciter les parties à former d’abord un gouvernement susceptible de pousser ensuite en direction d’une élection présidentielle. Au cas où cette échéance s’avère impossible à réaliser, la présence d’un gouvernement responsable et agréé sera inestimable, selon le diplomate en question.