Bernard Kouchner et son homologue Lam Akol (à droite) sont notamment en désaccord sur la date de la conférence.
LA VISITE, hier, de Bernard Kouchner à Khartoum, ne se voulait pas symbolique. Alors que le président Nicolas Sarkozy a fait de l’arrêt du conflit au Darfour une de ses priorités, le ministre des Affaires étrangères entendait par ce voyage « dissiper des malentendus », mais surtout expliquer au gouvernement soudanais les objectifs de la réunion de Paris. Cette conférence internationale doit réunir le 25 juin dans la capitale française les principaux pays occidentaux impliqués dans la résolution de cette crise ainsi que la Chine et l’Égypte.
L’initiative française a reçu un accueil prudent. Au cours d’une entrevue « pas facile » avec le président soudanais, Omar al-Bachir, Bernard Kouchner a tenté de faire comprendre « la nature de l’émotion loin de toute agression » suscitée en Occident par la situation au Darfour. Sans vraiment convaincre. « Il reste des ambiguïtés qui ne sont pas près d’être levées », a-t-il reconnu.
Lam Akol, le ministre des Affaires étrangères soudanais, a estimé que « la date de la conférence de Paris n'(était) peut-être pas opportune ». Ghazi Atabani, un proche conseiller du président soudanais, s’est montré tout aussi réservé. Tout en reconnaissant que certaines idées françaises « doivent être examinées », il dit redouter « une initiative parallèle, au moment où se multiplient les forums ».
En quatre ans de conflit, de nombreux médiateurs se sont rendus au chevet du Darfour. La conférence de Paris veut réunir une partie de ces efforts pour obtenir un feu vert soudanais sur l’envoi d’une force de paix internationale au Darfour. Pour l’heure, seuls 7 000 soldats de l’Union africaine (UA) sont déployés. Mais, très mal équipé et sous-financé, ce contingent s’est montré incapable d’enrayer les violences, qui ont déjà fait près de 200 000 morts et forcé 2,2 millions de personnes à fuir dans des camps.
En novembre dernier, un projet avait été élaboré par les Nations unies pour porter les effectifs à 23 000 hommes. Mais ce plan hybride, qui mélange tout à la fois forces africaines et internationales, n’a pas eu de suites. Sa mise en oeuvre s’est heurtée au refus de Khartoum. « Le gouvernement soudanais est passé maître dans l’art de refuser toute avancée en jouant sur les contradictions de ses adversaires », souligne Alfred Taban, directeur du quotidien Khartoum Monitor.
« Je ne céderai pas à la lassitude »
La querelle entre ONU et UA pour la direction de la future mission a servi de prétexte au Soudan pour, tout en l’acceptant officiellement, bloquer tout réel déploiement et exiger un commandement et des troupes exclusivement africains. « La force hybride n’est pas une compétition, encore moins une lutte entre l’Union africaine et l’ONU », a assuré le ministre français.
De fait, cette dispute semble désormais en partie close. Un nouveau plan prévoyant un commandement conjoint de la mission devait être présenté hier à Addis-Abeba. Cette répartition des rôles, bien qu’encore floue, a été acceptée par Ban Ki-moon. Reste désormais à connaître la réaction de Khartoum. « Je voudrais être optimiste, mais dans tous les cas je ne céderai pas à la lassitude », a affirmé Bernard Kouchner.
En cas de fin de non-recevoir soudanais, la conférence de Paris aura pour tâche de trouver de nouvelles stratégies. Les États-Unis ne cachent pas leur intention d’augmenter les pressions. Déjà, mercredi, l’ambassadeur américain à l’ONU, Zalmay Khalilzad, a averti que Washington ferait pression pour que l’ONU adopte « des sanctions multilatérales qui incluront l’imposition d’une zone d’interdiction de survol du Darfour » à l’aviation soudanaise. Une option face à laquelle Paris demeure mitigé. « Les sanctions doivent être examinées au cas par cas, car leur efficacité varie. Elles ont marché contre l’Afrique du Sud ; nettement moins à l’égard de l’Irak », a rappelé Bernard Kouchner.
Khartoum TANGUY BERTHEMET
http://www.lefigaro.fr/international/20070612.FIG000000058_le_soudan_reserve_sur_l_initiative_francaise.html