Voici pourquoi le Liban en faillite est devenu une destination touristique à la mode

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Environ 2 millions de touristes étaient cet été au Liban, et les lieux branchés de Beyrouth sont bondés. Ils auront dépensé 9 milliards de dollars. Pas suffisant pour redresser l’économie de ce pays ou une famille sur deux est confrontée à une grande pauvreté. 

 

Voilà une destination de luxe. Le vol de quatre heures depuis Dubaï peut coûter 1.000 dollars. Les vacanciers déboursent souvent plus de 450 dollars pour une chambre d’hôtel, 100 dollars pour des assiettes de poisson grillé. Les cartes journalières pour les clubs de plage peuvent coûter 25 % du salaire minimum mensuel des locaux, mais ces établissements sont bondés. Les réservations dans les lieux branchés sont prises d’assaut.

PIB en recul de 98%

Nous ne sommes pas sur la Côte d’Azur ou à Mykonos. Mais au Liban, où une crise financière a plongé le pays dans l’une des pires récessions de l’histoire. Depuis 2019, la monnaie a perdu 98 % de sa valeur et le PIB a plongé de 40 %. L’inflation annuelle est supérieure à 100 % depuis juillet 2020 alors que le pays tente d’obtenir un plan de sauvetage de 3 milliards de dollars du Fond monétaire international.

2 millions de touristes

Rien de tout cela n’a empêché le Skybar, une discothèque très appréciée de Beyrouth, de rouvrir cet été après une interruption de trois ans. Les fêtards sirotent des cocktails exotiques et dansent toute la nuit sur un toit illuminé de néons, même si, dans les rues en contrebas, l’Etat ne peut pas se permettre de garder l’éclairage public allumé. Walid Nassar, le ministre du Tourisme, estime à 2 millions de visiteurs l’affluence de cet été, soit l’équivalent de 40 % de la population libanaise. La plupart sont des expatriés libanais.

Un déjeuner à 765.000 lires

La crise découle d’une « chaîne de Ponzi » menée depuis des années par la banque centrale, qui empruntait des dollars aux banques à des taux d’intérêt élevés pour financer d’importants déficits jumeaux (commercial et budgétaire) et maintenir une parité fixe. En 2019, il n’y avait plus suffisamment de nouveaux dépôts pour la maintenir. Les banques ont fermé leurs portes pendant des semaines, puis ont imposé des contrôles arbitraires des capitaux. Le pays a fait défaut en 2020. La lire était fixée depuis 1997 à 1.500 livres pour un dollar, mais le taux officiel est rapidement devenu sans importance, des taux officieux ont fait leur apparition ainsi bien sûr que le marché noir des devises. Pour un déjeuner au bord de la plage, la facture s’élève à 765.000 lires, soit 196 dollars au taux de subvention alimentaire, mais seulement 39 dollars au cours de change de la rue. Et ce alors que la moitié des familles libanaises n’ont pas les moyens de manger suffisamment, et encore moins de prendre des vacances.

Une manne de 9 milliards de dollars

Le tourisme est l’un des rares secteurs créateurs d’emplois. Les visiteurs dépenseront 9 milliards de dollars cette année, soit une somme égale à 41 % du PIB ratatiné du Liban. Pourtant, l’argent ne coule pas vraiment à flot. Les serveurs ou barmans peuvent gagner entre 150 et 200 dollars par mois. En 1977, The Economist  a inventé le terme « syndrome hollandais » pour décrire comment la richesse en matières premières peut nuire à l’économie d’un pays. Le Liban ne dispose pas de telles ressources (même si des entreprises étrangères reniflent le gaz naturel au large de sa côte méditerranéenne). Ce qu’il y a, c’est une diaspora tentaculaire. Pendant des décennies, l’argent des expatriés a permis au Liban d’enregistrer l’un des déficits courants les plus élevés au monde (il a atteint 26 % du PIB en 2014). L’économie était improductive, mais cet argent a permis à de nombreux Libanais de se sentir comme s’ils vivaient dans un pays à revenu intermédiaire, achetant des marques importées et réservant des vacances à l’étranger. Rien de tout cela n’était durable.

L’argent de la diaspora représente 38% du PIB

Alors que la diaspora a cessé de déposer son argent dans les banques insolvables du Liban, les envois de fonds  représentent désormais le chiffre stupéfiant de 38 % du PIB. C’est suffisant pour faire avancer le pays. Mais ces flux ne soutiennent que peu d’investissements publics ou privés. Au lieu de cela, ils reviennent directement, finançant la consommation dans une économie qui dépend encore fortement des importations. C’est comme une coupe de glace par une chaude journée d’été, brièvement dégustée mais vite oubliée.

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