HUIT ANS après son arrivée au pouvoir en 1999 à la suite d’un coup d’État pacifique, le général Pervez Musharraf se trouve en position délicate. Lâché par les religieux, qui longtemps l’appuyèrent politiquement, il doit aujourd’hui également faire face à la contestation d’une société civile sortie de l’atonie. Depuis le 9 mars, date à laquelle le général tenta de limoger le juge Chaudhry, président de la Cour suprême, les manifestations – réunissant d’impressionnantes foules – n’ont cessé d’agiter le pays des Purs.
Combattu sur sa droite par les religieux et sur sa gauche par la société civile, le général ne peut par ailleurs guère escompter forger une alliance avec les partis dominant. Les deux principales figures politiques du pays, Benazir Bhutto du PPP et Nawaz Sharif de la PML, ont tous deux été contraints à l’exil lors de sa prise de pouvoir. Cet isolement sur la scène intérieure tombe au plus mal pour le général. À l’automne prochain, son mandat doit être renouvelé. Il lui faut donc impérativement trouver des alliés : féodaux et militaires restent ses dernières cartes.
Véritable citadelle située dans le centre de la capitale pakistanaise, la « mosquée Rouge » est devenue le symbole de la montée en puissance des talibans et de l’opposition au régime du général Musharraf.
Dans une récente déclaration, le général a lancé un appel du pied très clair à l’armée, principale force du pays. « L’uniforme, a-t-il dit, est pour moi comme une seconde peau. » Cette question de l’uniforme était à l’origine de la tentative de limogeage du président de la Cour suprême pakistanaise : ce dernier s’apprêtait, semble-t-il, à annoncer que le général devait quitter sa tenue afin de pouvoir se présenter à une nouvelle législature.
Cette volonté réaffirmée du maître d’Islamabad a suscité le trouble dans nombre de cercles. Ancien lieutenant général de l’armée pakistanaise, Talat Massoud regrette ainsi que Pervez Musharraf « parie sur son uniforme » : « Il ne comprend pas, souligne-t-il, qu’après huit années, il devrait être soutenu par les gens et pas par l’uniforme. » Dans une ONG pakistanaise, les employés n’ont eu qu’un mot après avoir entendu le général parler de son uniforme comme d’une « seconde peau » : « Nous avons donc besoin d’un boucher. »
« Un gouvernement inerte»
Le trait est rude, mais il correspond à un véritable état de désillusion. Le régime est à ce point usé, assure Samina Ahmed, représentante au Pakistan de International Crisis Group, « que le pouvoir exécutif est en perte de contrôle du pays ». De fait, à l’image de la « mosquée Rouge » d’Islamabad (lire ci-dessous), les mollahs semblent être en mesure de se jouer d’un « gouvernement inerte » et « dans l’incapacité d’agir », selon les mots de Zahid Hussein, journaliste influent.
Européens et Américains observent avec prudence l’actuel embarras de cet « allié » dans la lutte antiterroriste. Lors des dramatiques événements de Karachi (plus de quarante morts à la mi-mai dans des violences organisées afin de réduire la contestation politique), ils n’ont guère réagi. Les signaux d’alarmes sont à l’orange : « Il existe un véritable risque de balkanisation du pays », affirme un expert, qui évoque un « processus de délitement accéléré ». Rampante pour l’instant, la crise que traverse le Pakistan pourrait s’accélérer à l’approche des échéances institutionnelles.
http://www.lefigaro.fr/international/20070609.FIG000000902_pakistan_le_regime_du_general_musharraf_vacille.html