Invité par l’Union des Journalistes Arabisants en France (UJAF), Mohammed Saleh Muslim, président du Parti de l’Union Démocratique, a été, mardi 26 février, l’hôte du Centre d’Accueil de la Presse Etrangère. Le compte-rendu de sa conférence, qui n’a eu les honneurs d’aucun média français mais uniquement de quotidiens libanais, ne manque pas d’intérêt. Il y est très peu question de la Syrie et des agissements du régime syrien. Rien n’y est dit du soutien des Russes, de l’omniprésence des Iraniens ou des interventions directes du Hizbollah. En revanche, il ne nous laisse rien ignorer des faits et gestes de la Turquie, responsable de la violence en Syrie et deus ex machina de tous les drames qui s’y déroulent depuis bientôt deux ans. C’est du moins ce que les quotidiens en question ont retenu de ses propos. Mais cela n’est pas pour étonner.
Créé en 2003, le Parti de l’Union Démocratique est la branche syrienne de l’ancien Parti des Travailleurs du Kurdistan d’Abdullah Öcalan (Partiya Karkerên Kurdistan / PKK), auquel il est apparu préférable, pour surmonter l’affaiblissement et les divisions provoquées par l’arrestation et la condamnation de son leader historique, de se réorganiser en partis nationaux. Regroupés sous le chapeau du Partiya Yekîtiya Demokrat, d’où le sigle PYD sous lequel il est connu, les militants et les combattants syriens de l’ex-PKK ont profité de la crise qui a éclaté en Syrie en mars 2011 et, surtout, de la bienveillance à leur endroit du régime de Bachar Al Assad, pour revenir dans leur pays. Avec l’aval et le soutien des services de sécurité, ils se sont imposés au détriment des autres partis politiques et des coordinations locales créées en soutien à la révolution, se comportant en véritable « parti dirigeant de l’Etat et de la société » kurde dans la région.
Les bonnes dispositions du régime à l’égard du PYD ont une explication. Elles sont dues aux relations historiques et aux échanges de bons procédés qui ont fait durant longtemps de la Syrie de Hafez Al Assad et du PKK d’Abdullah Öcalan, des alliés contre la Turquie.
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A la fin des années 1970, la Syrie souffre des restrictions que les Turcs apportent au débit de l’Euphrate. Dans le cadre d’un énorme « Projet de l’Anatolie du Sud-Est » (GAP), ils se sont lancés dans la construction d’une série de 22 barrages sur les cours du Tigre et de l’Euphrate, dont 14 pour le seul Euphrate qui traverse la Syrie du nord à l’est, tandis que le Tigre ne fait qu’en marquer la frontière à l’extrême nord-est. Ces barrages viennent s’ajouter à 10 autres ouvrages plus anciennement réalisés, et leur édification comme leur remplissage perturbent le débit du fleuve, essentiel pour l’approvisionnement en eau de tout le nord de la Syrie, de Jarablus à Al Bou Kamal, sur la frontière avec l’Irak. Engagées depuis longtemps, les négociations sur l’eau entre Ankara et Damas n’ont jamais mené à rien, les Turcs se montrant peu flexibles et liant tout accord sur des quotas à un aval des Syriens à la construction d’un barrage turc sur l’Oronte. Or, un tel accord est impossible pour les Syriens, car cela équivaudrait pour eux à reconnaître la souveraineté de la Turquie sur le Liwa d’Iskanderun (le Sandjak d’Alexandrette), cédé par la France mandataire à la Turquie, en 1939, pour garantir la neutralité de ce pays dans la Seconde Guerre Mondiale qui s’annonce.