L’universitaire et islamologue tunisien Mohamed Talbi a appelé à “l’annulation de la charia” lors d’une conférence ce week-end à Tunis, dans un contexte de vifs débats sur la place de l’islam dans la société post-Ben Ali. “Il faut qu’on annule la charia musulmane parce que cette charia stipule qu’il faut tuer celui qui change de religion”, a déclaré Mohamed Talbi lors d’une conférence samedi, dont des extraits ont été diffusés sur la radio privée Mosaïque FM. M. Talbi, 90 ans, docteur en histoire et ancien doyen de l’université de Tunis, est célèbre pour ses études sur la Tunisie médiévale et prône un islam en phase avec la modernité. “Je suis déterminé à continuer la lutte pour le renouvellement de la pensée islamique parce que “le Coran est liberté”, il s’accorde parfaitement avec les droits de l’homme”, a lancé l’intellectuel tunisien. “Je ne considère pas la Charia comme une émanation de Dieu mais c’est une exégèse” de certains penseurs de l’islam, a précisé Mohamed Talbi dans une interview au journal Essabah publié dimanche. “L’islam est à mes yeux des actes cultuels et un comportement, et non une politique ou un Etat”, a-t-il conclu.
Ces déclarations interviennent alors que les Tunisiens peinent à s’accorder sur la place de l’islam dans la Tunisie d’après Ben Ali. Le débat a été ravivé par des attaques de militants salafistes contre un cinéma de Tunis et des manifestations contre les atteintes aux valeurs de l’islam dans plusieurs villes tunisiennes. Mohamed Talbi est personnellement visé par les extrémistes religieux qui lui reprochent d’avoir insulté Aïcha, la deuxième épouse du prophète Mahomet, lors d’un débat mercredi sur les ondes d’une autre radio privée Shems FM. L’intellectuel a récusé l’interprétation de ses propos par les islamistes. En juin, Mohamed Talbi a été nommé président du Conseil académique de l’Académie des sciences, des lettres et des arts (Beyt Al- Hikma) pour l’année académique 2011. Dans le communiqué sur sa nomination, le ministère avait présenté M. Talbi comme “un intellectuel audacieux et un libre penseur qui n’a cessé, dans ses nombreux ouvrages, de prôner un islam éclairé et en phase avec la modernité”. “Ma religion, c’est la liberté”, dernier livre de Mohamed Talbi, a été publié en mai dernier.
AFP