L’initiative française a échoué à Beyrouth, affirme le site libanais Shafaf. Et la faute en incombe au trop médiatique Bernard Kouchner.
Quel rôle jouent les Saoudiens et les Américains dans la crise libanaise? Et que font leurs ambassadeurs en poste à Beyrouth? Il y a peu de temps encore, les journaux libanais étaient remplis des faits et déclarations du représentant de Washington. Et voilà qu’il disparaît à l’apogée de la crise, comme si les Américains n’avaient pas de véritables politiques et s’étaient éclipsés pour laisser l’initiative à la France. Quand à l’ambassadeur saoudien, il est tout aussi absent. Dans la presse libanaise, on affirme que Riyad boude parce que c’est le Qatar [allié de la Syrie] qui aurait désormais l’oreille de Nicolas Sarkozy et qui aurait inspiré l’initiative française.
Rappelons que le Qatar avait déjà joué un rôle important dans le dénouement de la crise des infirmières bulgares en Libye.
Depuis l’échec de l’initiative français [qui saurait contribuer à l’élection d’un Président de la République avant le 24 novembre], le doute s’insinue partout. La personnalité de Bernard Kouchner n’avait jamais fait l’unanimité. Depuis des semaines, on entend dire qu’il ne restera pas à son poste au-delà de janvier prochain. Beaucoup considèrent donc que ce n’est pas lui qui pourra jouer un rôle « historique » dans la crise existentielle que traverse le Liban. Ce qui le rapproche de Nicolas Sarkozy, c’est qu’il aime comme lui le tapage médiatique à grand spectacle. Cela amène parfois des succès, mais plus souvent l’échec. En tout cas, cette méthode n’est certainement pas adaptée aux pays du Moyen Orient.
Selon certains journaux libanais, c’est Kouchner qui aurait dit à l’opposition [libanaise, prosyrienne] que la majorité [antisyrienne]ne comptait pas élire un président à la majorité relative [c’est-à-dire qu’elle souhaitait trouver un compromis]. Pourquoi la France [en envoyant des émissaires à Damas]a-t-elle ainsi donné une caution internationale à l’ingérence syro-iranienne au Liban ? Est-ce que des concessions de ce genre constituent les seules cartes dont dispose la France pour « convaincre » la Syrie ? Par ailleurs, Kouchner n’est peut être pas le mieux placé pour amener les Iraniens à se montrer accommodants, puisqu’il a été le seul dirigeant occidental à parler de « guerre » contre Téhéran, il y a quelques semaine.
Si, malgré cela, le ministres des Affaires étrangères iranien, Manouchehr Mottaki, insiste pour que Kouchner vienne en visite à Téhéran, ce n’est certainement pas seulement pour le faire revenir sur ses déclarations belliqueuses, comme Mottaki l’affirme. C’est probablement aussi parce qu’il est plus commode d’avoir affaire à un Kouchner qu’à un Cousseran, grand connaisseur des affaires régionales [Jean Claude Cousseran est l’émissaire spécial de la France pour le Moyen Orient].
Dans le quotidien libanais Daily Star, l’éditorialiste Michael Young regrette de s’être félicité de la nomination de Kouchner et appelle à l’accélération de la mise en place du tribunal international chargé de juger les assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Or les Français auraient fait de cette question un sujet de discussion avec Bachar El-Assas. Bref, c’est à se demander si les Français font la bonne analyse à propos du régime syrien et de la possibilité de trouver un terrain d’entente avec lui.
A ces interrogations s’ajoutent les déclarations des Israéliens qui suggèrent qu’ils continuent de préférer Assad, qu’ils connaissent bien, à l’aventure de la démocratisation [de la Syrie], dont personne ne sait sur quoi elle pourrait déboucher. Et, pour ce que est des Américains, George W. Bush appelle à la fin des ingérences étrangères au Liban. Cela est juste et bon. Mais que se passera-t-il si Damas et Téhéran ne l’écoutent pas ?
Bachar El-Assas et Mahmoud Ahmadinejad doivent se demander ce que pourra bien faire George Bush pour les contrer.
َArticle original en arabe sur notre site,traduit par « Courrier International »
حول الإداء « غير المُقنِع » للسيّد كوشنير، وحول الغياب المريب للرياض وواشنطن في أزمة لبنان
بيار عقل