INTERVIEW – Tareq Oubrou, imam de Bordeaux, s’exprime dans le JDD après les attentats qui ont ensanglanté la capitale.
En tant que responsable religieux comment réagissez-vous aux massacres de vendredi à Paris?
Ma première réaction est celle d’un citoyen, et c’est l’effroi et la consternation qui m’assaillent. Ensuite, du point de vue religieux, la position de l’islam est très claire : ces meurtres appellent à une triple condamnation – éthique, juridique et théologique. Éthique parce qu’aucune morale ne donne l’autorisation de tuer des innocents. Juridique parce que ces actes ne respectent pas la guerre telle qu’elle est dictée dans la tradition musulmane. Théologique, enfin, parce que ces kamikazes sont persuadés qu’ils iront au paradis alors qu’ils risquent davantage de se retrouver en enfer.
Pensez-vous pouvoir être entendu sur ces questions aujourd’hui?
Ces thèmes sont déjà engagés au niveau politique. Mais les réponses pour l’instant ne sont pas à la hauteur : elles ne s’attaquent qu’aux symptômes sans s’attaquer aux causes de la crise sociétale que nous traversons. Sur ce thème, il faut aussi aborder la responsabilité des imams et des responsables musulmans. Les institutions musulmanes doivent parler, se manifester. D’ailleurs, elles ont toutes fait des communiqués pour condamner ce qui s’est passé.
Est-ce suffisant?
C’est nécessaire mais pas suffisant. Les musulmans doivent aussi se manifester pour dire stop, pour dire qu’on n’accepte pas ces actions au nom de notre religion. Cela passe par la responsabilisation des musulmans en tant que citoyen. C’est ce que nous essayons de faire dans nos prêches et nos conférences. De ne pas rester dans la passivité, de participer aux débats. De ne pas laisser ces gens-là confisquer leur religion.