Le 14 juillet, les parcours de trois hommes vont se croiser place de la Concorde à Paris. Un dictateur qui a réussi à briser l’ostracisme dont il était frappé, un matamore qui n’a jamais conçu la politique que comme une succession de coups médiatiques et un apprenti funambule qui a été émasculé avant qu’on ne le hisse sur sa corde.
Si le funambule n’a pas voix au chapitre, le dictateur et le matamore se livrent avec une courtoisie affectée à un jeu de dupes dont on peut facilement deviner l’issue.
Commençons par le matamore. L’administration américaine étant actuellement en panne, il estime pouvoir tenter sa chance pour se tailler un rôle au Proche-Orient. Il sait pertinemment qu’il n’a aucune prise sur les réalités du terrain, mais qui ne tente rien n’a rien, dit l’adage et notre matamore croit fermement qu’il n’a rien à perdre à essayer, même si pour la circonstance, il se trouve contraint de s’acoquiner avec un tyran. Jusque-là, il n’y a rien à dire. C’est le b. a.-ba de la realpolitik.
Sauf que la règle voudrait qu’au moins il y ait un troc. Or, la levée de l’ostracisme qui frappait la dictature baasiste a été payée en monnaie de singe et il faut réellement être un taré pour croire que l’élection du funambule Michel Sleiman soit le signe d’un « changement de comportement » de la part du dictateur.
Le matamore vise plus loin, nous dit-on. il mise sur une hypothétique rupture de la Syrie avec l’Iran et sur une fin, toute aussi illusoire, de son ingérence au Liban. Croit-il vraiment que la Syrie va renoncer à son alliance stratégique avec l’Iran pour un mièvre rapprochement avec l’Occident ? Et suppose-t-il qu’il va recevoir à l’Élysée un tyran subitement métamorphosé en débile mental ? Sa naïveté est vraiment touchante !
Passons au dictateur qui, lui, a toutes les raisons de plastronner. Excusez du peu. Il vient juste d’engranger grâce à son allié stratégique et de son bras armé libanais une reddition sans condition de ses adversaires, la neutralisation totale de l’armée, la minorité de blocage au gouvernement et une loi électorale taillée sur mesure. Qui dit mieux ?
De tout cela, le matamore n’a rien vu et le voilà qui déroule le tapis rouge sous les pieds du dictateur pour qu’il vienne se pavaner sur les Champs-Élysées fort d’une réhabilitation sans concessions.
Pour engranger son succès médiatique, il serait même capable d’aller plus loin dans l’abjection. Ne murmure-t-on pas que pour contenter l’ami israélien la question d’un retour de l’influence syrienne au Liban ne soit pas à écarter ? Et ne chuchote-t-on pas aussi qu’il existe mille et une manière de neutraliser le Tribunal International à défaut de le renvoyer aux calendes grecques?
On voit bien que le dictateur a toutes les raisons de pavoiser. Après trois ans d’isolement international, sa victoire est d’autant plus patente qu’il n’a strictement rien eu à céder en contrepartie.
Vient enfin le tour du funambule. Michel Sleiman a bien été élu président de la république, mais uniquement après qu’il eut été délesté de tous les attributs de sa fonction. Pas un jour ne passe sans qu’il se sente obligé de s’aplatir un peu plus face à Hassan Nasrallah (président de facto) et de jurer à qui veut bien l’entendre de sa tendre amitié pour la Syrie. Accepter sa condition d’eunuque de la République était la condition sine qua non pour son élection. C’est exactement ce que l’Iran, la Syrie et le Hezbollah lui demandent de faire et il s’y conforme bien.
Quant au matamore, pour terminer avec l’hôte de la mascarade du 14 juillet, il persiste à n’y voir que du feu!