C’est sous ce slogan que des milliers de Syriens se sont encore une fois rassemblés, vendredi 12 avril, dans plusieurs villes et villages de Syrie, là où les conditions de sécurité le leur permettaient. En affirmant que « La Syrie est trop forte pour être divisée », ils ont exprimé trois messages différents mais complémentaires.
Le premier s’adressait au régime en place. Ils lui faisaient savoir que ses manoeuvres n’aboutiraient pas. Il pouvait continuer de jouer sur les peurs communautaires, d’exacerber les divisions et de menacer de faire de la région côtière une zone de repli plus ou moins durable pour lui-même et ses affidés. Mais il ne parviendrait pas à provoquer, au sein de la population, la guerre civile confessionnelle sur laquelle il comptait pour renforcer la cohésion de ses partisans et pour annihiler définitivement ce qui restait de velléités d’intervention à quelques Etats étrangers.
Le second visait à la fois les jihadistes du Jabhat al-Nusra dont le chef mystérieux – plus d’un an après sa création, personne n’en connaît encore le visage… – vient de faire allégeance à al-Qaïda, les membres du Parti de la Libération Islamique qui a renouvelé son appel au rétablissement du Califat, et l’ensemble des Syriens qui partagent le rêve d’établir en Syrie un « état islamique ». Les révolutionnaires leur indiquaient, en reprenant ce slogan, qu’ils étaient en désaccord avec leur projet. Ils n’admettraient pas l’imposition par quiconque d’un système politique, qui non seulement n’aurait pas été décidé à la majorité, mais qui contredirait les principes guidant depuis le début leur Révolution : l’égalité de tous les Syriens devant la Loi, sans distinction de genres d’ethnies et de religions.
En chantant et en dansant dans la rue, les habitants des quartiers de Boustan al-Qasr et al-Kallaseh à Alep ont montré qu’ils n’étaient prêts à renoncer ni à vivre, ni à s’exprimer de la façon qui leur plaisait, et qu’ils ne se plieraient pas aux règles d’austérité et de rigueur… que certains considèrent « islamiques », mais qui ne sont certainement pas « syriennes ».
S’agissant de ce rassemblement, on relèvera la présence, en bas à gauche de cette autre vidéo, d’un manifestant dont l’hésitation à participer à la dabké n’est pas nécessairement imputable aux convictions extrémistes… suggérées par son tee-shirt aux couleurs du drapeau du prophète. Pour ceux qui l’entourent, sa présence ne semble d’ailleurs pas poser problème. Ils ont eu l’occasion de constater que « l’habit ne fait pas le jihadiste » et que tous ceux qui arborent des tee-shirts en faveur de la protection de la nature, par exemple, ne sont pas automatiquement des écologistes convaincus, et encore moins militants…
Le troisième était destiné aux « Amis du Peuple syrien », qui annoncent un jour une chose et font le lendemain son contraire, et qui prennent prétexte de tout, de l’épouvantail jihadiste à la division de l’opposition, pour reporter à plus tard des décisions qu’ils auraient dû prendre depuis des mois. A l’égard de ceux qui s’abstenaient de porter secours à un peuple en danger, ils n’éprouvaient que mécontentement et mépris.
A Tadef, on pouvait ainsi lire sur un panneau : « La nuit n’effacera pas votre lâcheté. Le silence et le mensonge ne sont pas une position… La Syrie respirera la liberté, quoi qu’il en soit de vos armes… ». Un autre signalait « à la communauté internationale : c’est l’odeur de nos martyrs que vous respirez quand, avec les armes chimiques, les vents l’apportent jusqu’à vous ».
http://syrie.blog.lemonde.fr/