Editorial. Le carnage perpétré, dimanche 16 août, à Douma, dans la banlieue de Damas, par l’aviation du régime, est, à bien des égards, une parfaite illustration du conflit syrien. Cette agglomération de la capitale est un bastion de l’opposition au régime de Bachar Al-Assad depuis le début de la révolution, en mars 2011. Aux manifestations pacifiques des premiers mois, sauvagement réprimées, a succédé une insurrection armée de plus en plus radicale et fondamentaliste. Les leaders civils et pacifistes, éliminés un à un par le régime, ont cédé la place à des chefs de guerre islamistes et violents, à l’instar de Zahran Allouche, qui dirige l’Armée de l’islam, principal groupe armé de la banlieue de Damas.
Les bombardements et le blocus mis en place par le régime à Douma n’ont engendré que davantage de combats, de destructions et d’extrémisme dans une population abandonnée par la communauté internationale. L’attaque meurtrière du 16 août n’échappe pas à cette logique, aussi perverse que désespérante.
Alors que le ministre des affaires étrangères syrien, Walid Al-Mouallem, chargé d’incarner la face présentable du régime, s’entretenait avec Stephen O’Brien, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, en visite pour la première fois à Damas, l’aviation syrienne larguait roquettes, bombes incendaires et barils d’explosifs sur le principal marché en plein air de Douma. Bilan : une centaine de morts, 250 blessés, tous civils, hommes, femmes, enfants. Faute de matériel de levage, des blessés ont agonisé sous les décombres. Faute de lits et de poches de sang, les hôpitaux – ou ce qu’il en reste après quatre années de destruction systématique des infrastructures de santé en zones rebelles – n’ont pu sauver des blessés.
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C’est la pire attaque aérienne depuis le début du conflit. Une fois de plus, il ne s’agissait pas de combattre l’insurrection, mais de terroriser la population et de la pousser à bout. Les barils d’explosifs, fléau de la guerre en Syrie, sont de véritables armes de destruction massive qui empêchent les civils de trouver le moindre refuge, piégés par des combats auxquels ils ne participent pas. Les pilotes de l’armée syrienne ont de nouveau frappé lundi, prenant même pour cible des familles qui enterraient leurs proches dans les cimetières de Douma. C’est dire le peu de cas que le gouvernement fait de l’opinion de M. O’Brien, venu demander un meilleur accès pour l’aide humanitaire et qui s’est dit « horrifié par l’absence totale de respect de la vie des civils dans ce conflit ».
Pour masquer son impuissance face à cette sinistre répétition du massacre chimique de la Ghouta (1 500 morts), commis il y a presque deux ans jour pour jour, presque au même endroit et en présence, déjà, de représentants de l’ONU en visite à Damas, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une déclaration de soutien à l’initiative de paix proposée par l’émissaire des Nations unies Staffan de Mistura. Mais que vaut cet unanimisme de façade, alors que les Occidentaux n’ont jamais envisagé la moindre mesure concrète pour mettre fin aux attaques par barils d’explosifs, tout comme Washington a laissé Bachar Al-Assad violer la « ligne rouge » sur les armes chimiques ? Guère plus qu’une initiative de paix soutenue par la Russie et l’Iran, principaux soutiens du régime de Damas, alors que ces deux pays ont réaffirmé, mardi, que seul le « peuple syrien » pouvait décider du maintien de Bachar Al-Assad au pouvoir.