La guerre en Syrie pourrait enflammer la région turque de Hatay

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Le sentiment pro-Assad et les tensions sectaires dans le sud ont fait réfléchir à deux fois Ankara à propos d’une quelconque intervention qui pourrait porter le conflit au delà des frontières.

En dépit de l’éloignement aiguisé d’Ankara concernant la guerre civile menée par Bachar-Al-Assad, des complications internes l’ont empêché de prendre le contrôle en le renversant. De nombreux facteurs démographique, politique et historique sont à débattre dans la province frontalière de Hatay en Turquie, augmentant ainsi le risque de violences sectaires qui pourrait surgir du voisinage. Réfréner cette tendance va demander à Washington de travailler en étroite collaboration avec Ankara pour tenir à l’écart le sentiment sectaire de sa politique syrienne.

HATAY: ENTRE LA TURQUIE ET LA SYRIE

Hatay est une province à l’extrême sud de la Turquie, en sandwich entre la Syrie et la mer Méditerranée. C’est aussi démographiquement le pays contenant la plus grande proportion d’Arabes (près d’un tiers de la population de la province sur 1,5 millions d’habitants).

Etant la dernière province à rejoindre la Turquie après sa création en 1923, Hatay a aussi une politique particulière.

En 1921, la Turquie signe le traité d’Ankara avec la France, qui contrôlait la Syrie à cette époque. L’accord stipule que Hatay – alors appelée Sanjak d’Alexandrie – devra rester dans la Syrie française sous un régime spécifique. Cela change en 1936, quand les règles coloniales françaises s’achèvent en Syrie et quand la Turquie presse Paris de rendre son indépendance à Hatay. La France y consent, ne voulant pas froisser Ankara et ne voulant la pousser vers le mouvement nazi. La province gagne son indépendance en 1938 et elle est annexée par les turques en 1939.

A cette date, Hatay avait évité l’influente campagne de Kemaslim qui avait balayé le pays dans les années 30, propageant une pensée nationaliste et enracinant la langue turque parmi les groupes non-turcs.

Par conséquent, les arabes de Hatay demeurent différents face aux autres groupes ethniques à travers le pays, soutenants une forte identité Arabe et continuant à parler l’Arabe, même dans les catégories élitistes les mieux lettrés.

Hatay est aussi la seule province clé qui reflète les fossés ethniques de la Syrie. En plus des ethnies turques, c’est un refuge pour les alawites arabes (co-religieux du régime d’Assad), pour les sunnites arabes, les kurdes, les circassiens, les arméniens et les chrétiens arabes. De plus, les alawites de Hatay et les sunnites arabes sont familier avec les alawites syriens et les sunnites aux travers de liens tribaux familiaux.

Etant donné son histoire et sa démographie, Hatay est exposé plus directement aux développements en Syrie que les autres provinces turques. Si la guerre au delà de la frontière oppose explicitement les sunnites aux alawites, leur sentiment
d’appartenance sectaire pourrait les opposer les uns aux autres à Hatay, ne serait ce que pour accroitre les tensions politiques actuelles, répandant la violence à travers la Turquie, ou joignant le combat en Syrie.

Les signes alarmants à ce propos ont été flagrants depuis des mois. Par exemple, les groupes locaux alawites tel que «la plateforme contre les interférences impérialistes en Syrie» a organisé quelque temps des rassemblements pro-Assad – le plus important, qui a eu lieu en septembre dernier, a rassemblé près de dix milles personnes. Ainsi rapporté par un alawite durant une entrevue avec Al-Jazeera, «Les pouvoirs impérialistes occidentaux, en corrélation avec le régime dirigeant sunnite, essaie d’implanter un régime légitime en Syrie». Les tensions minoritaires entre les réfugiés sunnites de Syrie et les alawites de Hatay ont aussi été transférées. Les chefs d’entreprises et les fonctionnaires alawites se plaignent des réfugiés syriens qui les questionnent sur leurs appartenances sectaires, avec un peu de revendication ils ont été mis sur liste noire et harcelé par des émigrés d’Arabe de Sunnite.

HATAY ET L’OPPOSITION TURQUE

les alawites de Hatay sont profondemment laïc et donc en désaccord avec les conservateurs et parfois même avec l’AKP (Islamist bent of ruling Justice and Development Party) . La plupart d’entre eux soutiennent la faction d’opposition principale du pays, le CHP (the Republican People’s Party). Après qu’Ankara soit devenue un lieu sûre pour des groupes de l’opposition syrienne et pour les rebelles armés en automne 2011, les alawites de Hatay se sont de plus en plus ralliés à la politique de l’AKP. Ils ont joué un grand rôle disproportionné dans les rassemblements anti-AKP, incluant une manifestation le 9 mars qui a ameuté deux milles personnes. Les dernières manifestations de 2012 avaient ramenés près de huit milles personnes.

Certains alawites de Hatay voient les sunnites syriens qui ont migré vers leur province non comme des réfugiés, mais comme des combattants qui ont tué ou qui ont mis en danger leurs familles en Syrie. D’autres les décrivent comme des djihadistes qui auraient menacé les alawites des deux côtés de la frontière. Par exemple, un chef d’entreprise a récemment parlé d’un syrien qui a demandé à un directeur de magasin s’il était alawite. Après avoir reçu une réponse affirmative, le syrien en est venu à dire que les alawites de Turquie subiront le même sort que les alawites de Syrie – en bref, que leur tour viendra. Les forces de sécurité ont dû intervenir pour interrompre la bagarre qui en a suivi.

Ankara a pris des mesures pour soulager ces griefs. Depuis septembre, de nombreux réfugiés syriens ont été dirigé loin des installations dans Hatay , déplaçant beaucoup d’entre eux vers les provinces intérieures. Aujourd’hui, seuls 14 500 des 261 000 réfugiés recensés demeurent à Hatay. Pourtant Ankara a toujours une source
d’inquiétude, puisque le conflit sectaire, plus important en Syrie, stimulerait probablement une arrivée d’un flux massif de réfugiés dans la province et, en conséquence, une confrontation sunnite-alawite.

Pendant ce temps, les alevis – qui représente à peu près 15% de la population du pays – pourraient aussi compliquer les choses. Même s’ils ne sont pas reliés aux éponymes alawites, ils sont tout autant loyalement sectaire, opposés à la politique syrienne de l’AKP, et par dessus tout supporters du CHP. Un récent sondage du parlementaire Sabahat Akkiraz du CHP indique que 83% des alevis et des alawites soutenaient leur cause pour les élections de 2011. Si les alawites de Hatay se rassemblaient plus fermement contre la politique du gouvernement syrien, les alevis suivront sûrement.

Pour sa part, le CHP a longtemps pris une position d’anticonformiste envers la guerre. En octobre 2011, le parti a envoyé une délégation par delà la frontière suite à une invitation de l’Union des Femmes Syriennes. Après avoir visité Damas, Hama et Latakia pour examiner la situation là-bas, la délégation s’oppose à l’intervention étrangère dans les affaires internes de la Syrie. Plus récemment, quatre députés du CHP ont rendu visite à Assad dans Damas aux environs de mars.

Dans un communiqué public, ils ont sapé l’AKP en prétendant que les turcs «rejettent l’intervention en Syrie et ne veulent rien de plus que des relations entre voisins» avec Assad, ce à quoi le dictateur a rebondit: «J’apprécie la position des turcs et celle des partis politiques, qui contrairement au gouvernement turc favorise la stabilité en Syrie».

Le parti va continuer à répandre sa fervente opposition à la politique syrienne de l’AKP. Dans un récent débat parlementaire, le député du CHP Umit Ozgumus divague en parlant au ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu en lui disant, «les allégations qu’Assad perpétue à propos des massacres ne sont que des mensonges!». La position féroce du parti sur la question est mené en partie par sa politique (et par son action militaire en général) sur les idéologies fondamentales. Cela deviendrait sans doute plus conflictuel si la Turquie adopte une politique d’intervention active ou si elle travaille avec Washington à des fins similaires. La base puissante du CHP des alevis pourrait aussi renforcer cela pour durcir sa position si le conflit syrien pose les alevis turcs contre le gouvernement.

LES IMPLICATIONS POUR WASHINGTON

Le potentiel pour le renversement de la Syrie dans la Turquie est une raison de plus pour laquelle les États-Unis devraient sortir au front plutôt que d’attendre Ankara. Au même moment, Washington devrait encourager la Turquie à adopter une politique explicitement non sectaire envers la Syrie, particulièrement par respect pour les ethnies. Cela implique de condamner les atrocités entre les sunnites et les alawites, tel qu’un effort spécial pour procurer un sentiment de soulagement auprès de la population alawite, ouvrir ses portes aux réfugiés de cet avis, et rendre public ces
initiatives. C’est le seul moyen de prévenir le pire des effets d’une guerre par delà les frontières.

Traduction par Zeina Akel

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