Tous les regards sont braqués sur l’interview télévisée que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, va donner aujourd’hui, surtout à l’aune de la crise politique actuelle en partie causée par les différends sur la mouture finale de la loi électorale en gestation. Selon les observateurs, M. Geagea devrait se fonder dans son intervention télévisée sur les 10 points sur lesquels son parti s’était basé pour appuyer la candidature de Michel Aoun à la présidence. Il devrait également revenir sur la déclaration de prestation de serment du président et sur le devenir des engagements qui en ont découlé, et mettre « les points sur les « i » », selon l’expression utilisée par les milieux FL.
Le chef du parti est en effet exaspéré du peu de coopération et de collaboration entre les alliés chrétiens, alors même qu’il estime avoir largement rempli sa part du contrat et mis à exécution l’ensemble des engagements de son parti vis-à-vis du nouveau mandat présidentiel. Il estime au contraire que ses alliés sont loin d’avoir respecté leurs promesses à l’égard de son parti, même si les responsables FL interrogés se refusent à dresser une liste exhaustive des manquements des alliés à leur égard. Ils se bornent toutefois à répéter que l’alliance FL-CPL est une réalité d’ordre stratégique qu’il convient de préserver et de faire fructifier en une vision nationale chrétienne afin de redonner à cette communauté un rôle politique de premier plan, rôle qu’elle a depuis longtemps perdu.
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Il convient ainsi d’œuvrer pour renforcer le partenariat et la parité politique entre musulmans et chrétiens, et de démontrer l’importance du rôle chrétien dans la vie politique. Aujourd’hui, les FL estiment que même si leur alliance avec le CPL peut parfois connaître quelques soubresauts, à l’instar de la concurrence FL-CPL qui s’est fait ressentir lors des élections de l’ordre des ingénieurs à Beyrouth, il n’en reste pas moins qu’ils demeurent d’accord sur les points importants et primordiaux. Allant plus loin, le responsable FL interrogé estime que ce genre de rivalités électorales préserve l’atmosphère démocratique de leur alliance. Car il ne faut pas oublier que c’est justement cette alliance qui a été le catalyseur de l’élection présidentielle et de la naissance du gouvernement, signant ainsi le retour de la communauté chrétienne sur le devant de la scène politique.
Du côté du Hezbollah, c’est précisément cela qui inquiète. Il existe une réelle crainte de voir l’union FL-CPL-Futur réussir à cerner le président de la République et à l’écarter petit à petit de l’influence du Hezb. Un ancien responsable justifie cette crainte par le fait que la déclaration de prestation de serment du président de la République le libère de ses engagements et accords politiques antérieurs. Il devient par conséquent « le père de tous ». Le parti chiite cherche donc à faire imploser cette union tripartite FL-CPL-Futur par tous les moyens. Il œuvre inlassablement pour y parvenir, tirant parti des nominations sécuritaires et des dissensions qui les ont accompagnées pour consolider le fossé qui commence à s’installer entre Baabda, Meerab et la Maison du Centre. Il tente de faire de même dans le cadre des négociations censées donner lieu à la naissance de la nouvelle loi électorale, car l’objectif principal du Hezbollah est d’empêcher l’alliance tripartite de récolter les deux tiers des sièges à la Chambre.
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Auprès du CPL, on continue toutefois à certifier l’attachement du bloc à l’entente avec M. Geagea, principalement à cause de l’impact positif qu’elle a eue dans la rue chrétienne, à savoir un sentiment général de soulagement, mais aussi un renforcement du rôle politique chrétien. On ne cache pas non plus les efforts fournis pour tenter de trouver une certaine harmonie entre la feuille de route en 10 points signée avec les FL et la feuille d’entente signée avec le Hezbollah. Il convient toutefois de noter les dissensions qui existent entre le CPL et le Hezb autour de la clause concernant l’édification de l’État.
C’est dans ce contexte que le Hezbollah n’a de cesse d’œuvrer par tous les moyens afin d’imposer la seule formule électorale qui semble lui convenir, à savoir la proportionnelle totale avec le Liban comme circonscription unique. Seule celle-ci lui permettra de lézarder durablement l’entente tripartite qui consolide actuellement le mandat présidentiel. Et même si, en réalité, aucune loi électorale n’est de nature à être franchement défavorable au Hezb, il n’en reste pas moins que celui-ci a pour objectif de faire élire des députés non partisans mais qui seraient tout de même dans son giron. Or cet objectif n’est réalisable que chez les députés chrétiens, les communautés sunnites et druzes étant fermement contrôlées par leurs leaders respectifs.
L’Orient Le Jour