Haut-Karabakh : l’Arménie dénonce des ventes d’armes israéliennes à l’Azerbaïdjan

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Erevan a rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv, estimant que les armes israéliennes contribuent à la supériorité aérienne de Bakou dans le conflit.

 

L’Arménie a rappelé son ambassadeur en Israël, jeudi 1er octobre, pour protester contre des ventes d’armes israéliennes à son rival azerbaïdjanais, en pleine crise militaire au Haut-Karabakh. En cause : un faisceau de preuves parcellaires indiquant qu’Israël a pu livrer récemment du matériel militaire à Bakou, et que les forces azerbaïdjanaises ont pu user de drones israéliens dans leurs opérations dans le territoire séparatiste caucasien, où elles jouissent d’une supériorité aérienne létale.

Le 24 septembre, peu avant le déclenchement des hostilités, des observateurs israéliens branchés sur des sites suivant le trafic aérien international en temps réel avaient noté deux vols, entre Bakou et Israël, de gros-porteurs azerbaïdjanais de modèle Iliouchine Il-76. Ils sont présumés avoir atterri sur la base militaire d’Ovda, dans le désert du Néguev (sud). Deux autres avions ont été signalés depuis lors sur le même itinéraire. Contactée, l’armée israélienne n’a pas répondu à nos questions sur ces vols. Un détail : les mêmes avions ont été signalés à la même période effectuant des vols entre Bakou et Ankara, qui s’active auprès de son allié et a déployé des miliciens syriens sur le terrain.

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Par ailleurs, des dizaines de vidéos de propagande diffusées par les forces azerbaïdjanaises mais aussi arméniennes, censées illustrer les combats en cours, montrent des drones azerbaïdjanais qui présentent des similitudes avec des engins acquis par Bakou auprès de la Turquie et d’Israël. L’un d’eux, un appareil dit « kamikaze », destiné à exploser sur sa cible, pourrait être un modèle de type Orbiter 1K israélien. Ces hypothèses sont étayées par les déclarations au site israélien Walla ! de Hikmet Hajiyev, un conseiller diplomatique du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, qui indiquait le 30 septembre que son pays faisait usage de « quelques » drones israéliens dans ces combats, avant de vanter la qualité de son arsenal.

Poste d’observation israélien

En l’absence d’analyse indépendante approfondie de ces images, il demeure impossible d’affirmer que ces appareils ne sont pas d’origine turque, Ankara approvisionnant également Bakou en engins sans pilote. Pour Israël, l’Azerbaïdjan est de longue date un partenaire stratégique. Un client en armements certes, mais également un fournisseur indispensable de pétrole, la sécurité énergétique d’Israël dépendant de ses livraisons, acheminées à travers les terminaux turcs. Mais Bakou est surtout un poste d’observation pour le renseignement israélien, à la frontière avec le grand rival régional iranien.

Lors d’une visite du premier ministre Benyamin Nétanyahou à Bakou, en 2016, le président Ilham Aliev avait affirmé que son pays avait passé pour près de 4 milliards d’euros de commandes d’armes à l’Etat hébreu, précisant que la plus grande part de ces contrats avait déjà été exécutée. Selon la presse israélienne, ces livraisons sont très diversifiées : systèmes de missiles, artillerie, outils de surveillance, fusils et depuis 2012 des drones kamikazes, d’attaque, de surveillance, ainsi que des engins à usage civil.

La compagnie d’Etat Azad Systems produit par ailleurs plusieurs modèles de drones de conception israélienne, dont l’Orbiter 1K. « Mais jusqu’ici, dans tous les épisodes de violence au Haut-Karabakh, nous n’avons jamais trouvé de preuves permettant de conclure que des drones israéliens avaient été utilisés contre les forces arméniennes. Il est possible qu’Israël interdise un tel usage : face à l’Arménie, les drones n’auraient d’autre utilité que de dissuasion », avance le juriste et activiste Eitay Mack, fin observateur des exportations d’armes israéliennes.

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Cette relation privilégiée contraint les relations d’Israël avec l’Arménie, qui avait inauguré une ambassade à Tel-Aviv en septembre, deux semaines à peine avant de rappeler son représentant. Erevan était passé outre le fait qu’Israël se refuse à reconnaître comme génocide l’extermination de 1,5 million d’Arméniens perpétrée par l’Empire ottoman durant la première guerre mondiale, en dépit de sa propre histoire et de vifs débats au Parlement dès les années 1980. Cette posture, qui a longtemps visé à ménager l’allié turc, perdure aujourd’hui malgré le net refroidissement des relations de l’Etat hébreu avec le régime de Recep Tayyip Erdogan.

LE MONDE

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