Le ministre de La Défense Jean-Yves Le Drian a annoncé jeudi matin sur RTL que l’affaire Mistral n’aura pas d’impact sur l’emploi à Saint-Nazaire. Nous révélons qu’elle en a déjà eu sur un chantier naval du Sud de la France. Et que la Russie serait aujourd’hui en mesure de produire ses propres «Mistral».
En juin dernier, 510 salariés du Groupe CNIM sont mis au chômage partiel. La nouvelle provoque un mini-séisme car l’industriel varois n’a jamais connu telles difficultés depuis vingt ans. Le groupe CNIM avait été choisi en 2012, un an après la signature du contrat, pour fabriquer les véhicules de débarquement de troupes livrés avec les navires de type Mistral : deux engins amphibies rapides (EDAR) de type L-Cat. Novembre 2014, le «Vladivostok» reste à quai, la livraison est suspendue pour des raisons politiques. Les chantiers DCNS et STEX se retournent vite vers leur assureur mais CNIM ne parvient pas à le faire. Résultat : des chômeurs en plus; 15% de la masse salariale du groupe. Les dirigeants de ce chantier savent depuis mercredi 5 août, 20 heures, que la facture des deux engins ne sera jamais honorée.
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Après avoir la semaine dernière nié l’existence d’un accord avec la Russie -alors que ses négociateurs venaient de rentrer de Moscou avec sous le bras un accord bien ficelé-, le Président Hollande a annoncé mercredi être parvenu… à un accord. Comprenne qui pourra. Le «Vladivostok» et le «Sébastopol», qui croupissent sur les quais de Saint-Nazaire depuis plus de 21 mois, ne seront donc jamais livrés. Fin de l’histoire.
Une équipe de techniciens russes arrivera d’ici quelques semaines en Loire-Atlantique pour démonter le plancher des deux mastodontes et en extraire les câblages qui seront rapatriés en Russie. «Les Russes ont finalement obtenu que les Français prennent en leur charge cette opération», nous confiait une source proche du dossier à quelques jours de l’officialisation de la non-livraison des porte-hélicoptères. Le coût du démantèlement des câblages, qui durera plusieurs mois, vient s’ajouter à la facture totale qui frôle les 1,2 milliard d’Euros. Nous voilà bien loin des 785 millions annoncés pas les négociateurs français lors de leur première réunion à Moscou le 31 mars dernier.
Une trouvaille pour épargner
temporairement le budget de l’Etat
La somme ne sera pas imputée au budget de l’Etat. Du moins pas dans un premier temps. C’est la trouvaille du ministère des Finances. C’est l’assureur Coface, le même qui garantit la vente des Rafale au Maréchal Sissi -dont les premiers engins doivent survoler le 6 août le nouveau canal de Suez-, qui renflouera les caisses des constructeurs du Mistral. Ces frais exceptionnels seront ensuite répercutés sur le budget de l’Etat vraisemblablement après 2017…
Outre l’aspect purement financier du dossier, les industriels craignent d’avoir malgré eux participé à un transfert de compétences. Il se pourrait les tergiversations et maladresses du chef d’Etat Français, qui a «géré» seul ce dossier du début à la fin, aient ulcéré les partenaires russes au point que ceux-ci n’aient pas hésité à s’inspirer des plans auxquels ils ont eu accès pour concevoir leurs futurs navires. Comme l’a récemment affirmé le ministre russe de l’Industrie et du Commerce, Denis Manturov, «la Russie n’a reçu aucune technologie pour la construction du Mistral». Pourtant, le mois dernier, au Salon international de la défense maritime IMDS de Saint-Pétersbourg, ont été dévoilés des projets de porte-hélicoptères fort ressemblants aux navire français. Ainsi le «Pyotr Morgunov», bateau plus petit, présenterait des similitudes avec le Mistral, tout comme son grand frère, dont la construction est prévue pour 2020. Les Russes entendent bâtir un géant, le «Lavina» («Avalanche»), qui promet d’être plus grand et plus rapide, pesant 24 000 tonnes, atteignant 22 nœuds et pouvant transporter 16 hélicoptères. Cerise sur le gâteau : une entreprise française, Dassault Systèmes, leader mondial de la conception 3D, a déjà proposé ses services aux Russes pour modéliser leur futur porte-hélicoptères. Voilà de quoi faire enrager les constructeurs français qui en plus de subir des dommages économiques, voient leur savoir-faire partir à l’étranger.