Étrangement, les chefs et les représentants de la « mauvaise race » ont réagi avec circonspection, en tout cas avec une gêne contrite aux propos racistes tenus par le chef druze dont la verve populacière ne ménage plus aucun ridicule, aucun abus. En d’autres circonstances, le tollé aurait été considérable, mais en période électorale, les chefs maronites concernés ne pouvaient pas monter sur leurs grands chevaux. Ne doivent-ils pas au chef druze d’avoir intégré leurs représentants sur sa liste ? Ils protestent donc, mais du bout des lèvres.
Même le Général Iznogoud a été particulièrement « sobre » dans ses réactions. Ne doit-il pas en grande partie sa victoire de 2005 au fameux sobriquet qui lui avait été collé par le même Joumblatt. Aujourd’hui, le chef druze réédite l’exploit et prépare, probablement sans le vouloir, une nouvelle victoire du patriarche autoproclamé des Chrétiens contre ses adversaires appartenant à la même « race ». Michel Aoun a raison de boire du petit-lait. Il peut même espérer nouer après les élections une alliance avec son adversaire druze dont le discours se métamorphose à la vitesse de l’éclair et qui a d’ores et déjà adopté vis-à-vis de la Syrie les mêmes arguments développés par le Général.
Mais au pays des mille et une peurs, ces excès ne sont point l’apanage du chef « progressiste » (ici, les rires tonitruants sont permis) ni de sa communauté, tant s’en faut. On pourra citer des dizaines de propos racistes similaires tenus en public ou en huis clos par des sunnites, des chiites ou des maronites… Chaque communauté a son propre patrimoine d’abjection et nourrit les phobies et les haines qu’elle croit nécessaires à sa cohésion et à sa « survie ». Les ressorts confessionnels et claniques, la misère intellectuelle et morale et l’archaïsme de la pensée sont les « valeurs » les mieux partagées au Liban.
Le chef druze trouvera sûrement les mots pour se faire pardonner et les offensés avaleront certainement la couleuvre sans broncher. Walid Joumblatt a la tête ailleurs, il doit s’atteler à gérer la défaite qui pointe à l’horizon. Le capitulard d’aujourd’hui a hâte d’effacer ses bravades d’hier car pour lui, la bataille de la souveraineté et de l’indépendance a déjà fait long feu. Il doit donc se préparer activement à la nouvelle période qui s’ouvre et qui verra s’accentuer la mainmise du parti khomeyniste libanais et de ses parrains régionaux sur le pays.
Chaque époque a ses propres masques et Walid Joumblatt a déjà ôté celui qu’il arbore depuis 2005 et ressorti un autre déjà usé jusqu’à la corde, mais qui pourra encore servir puisqu’il est spécialement badigeonné des couleurs de la « cause palestinienne », de l’arabité des dictateurs et de la résistance des milices totalitaires. D’ici le 8 mai, le chef druze sera fin prêt ! Nabih Berri lui a préparé la route, Hassan Nasrallah s’apprête à l’accueillir à bras ouverts et le dictateur d’à-côté se fera un plaisir de fêter le retour du chef prodigue.