Le président iranien tente de recadrer les pasdarans, afin de ne pas se faire dicter ses positions.
Simple brouille passagère ? Ou réelles divergences de fond ? Inquiet de la toute-puissance des gardiens de la révolution, le président Mahmoud Ahmadinejad cherche désormais à recadrer ses alliés encombrants, dont le pouvoir n’a cessé de grandir, depuis son élection truquée en juin dernier. « Ahmadinejad veut rendre les pasdarans moins visibles », commente depuis Téhéran un observateur de la scène politique iranienne, qui tient à rester anonyme. Depuis plus de deux mois, leur chef, le général Mohammad Ali Jafari, n’aurait pas été autorisé à s’exprimer publiquement. Son silence a été particulièrement remarqué lors des récentes manœuvres conduites par les pasdarans dans le golfe Persique.
Entre les gardiens de la révolution et le président de la République, les signes de tensions se seraient multipliés. Lors de son dernier grand discours consacré à la défense du territoire, Ahmadinejad n’a pas eu le moindre mot de reconnaissance envers cette armée idéologique, chargée de protéger un régime aujourd’hui fortement contesté de l’intérieur.
Dans son bras de fer, Ahmadinejad disposerait, pour l’instant, de la bienveillance du guide, Ali Khamenei, le numéro un à Téhéran. «Lors d’une récente cérémonie chez le guide, relève l’analyste, nous avons été surpris de voir que le chef des pasdarans n’était qu’au 4e rang dans l’assistance, alors qu’habituellement il se tient au côté de Khamenei. »
Image détériorée
Même si les pasdarans ont peu participé à la répression qui s’est abattue sur les contestataires depuis bientôt un an, leur image s’est détériorée dans l’opinion. Signe de ce désamour : ces derniers mois, les jeunes Iraniens seraient beaucoup moins nombreux à s’enrôler dans la force révolutionnaire pour accomplir leur service militaire. Ils lui préfèrent l’armée régulière, restée en marge de la répression, que le régime cherche précisément à rassurer.
En un an, Ahmadinejad a pourtant multiplié les nominations de pasdarans dans les gouvernorats et dans les ministères, à tel point que les États-Unis ont dénoncé le risque de « dictature militaire». Mais aujourd’hui, «le président redoute que les gardiens se transforment en une armée pakistanaise ou turque qui finisse par lui dicter ses positions », estime l’observateur.
Alors que la contestation est loin d’être éteinte, les pasdarans peuvent constituer une alternative, à laquelle le guide Ali Khamenei pourrait recourir pour dénouer l’imbroglio. «Il n’est pas impossible que certaines franges des pasdarans exigent du guide qu’il destitue le président, si jamais le chaos s’installait et que la République islamique était mise en danger par l’incapacité du gouvernement Ahmadinejad », prévient l’universitaire Bernard Hourcade, spécialiste de l’Iran.
Ahmadinejad ne peut compter en effet que sur une partie seulement des gardiens de la révolution : les membres des services de renseignements, les miliciens bassidjis et les radicaux du mouvement Ansar Hezbollah, ceux-là mêmes qui sont chargés d’écraser dans le sang l’opposition depuis un an. Mais ces derniers, très influents sur le dossier nucléaire et qui devraient être la cible de prochaines sanctions onusiennes, ne vont pas se laisser marginaliser facilement. À la faveur des privatisations, leur poids économique ne cesse de croître. «N’oubliez pas également que leurs divergences portent essentiellement sur la manière de gouverner d’Ahmadinejad, tempère l’homme d’affaires, beaucoup de pasdarans lui reprochent surtout d’être complètement imprévisible. »