Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a convoqué mardi l’ambassadeur de Chine en France pour lui signifier sa «désapprobation» vis-à-vis de «certains propos récents» liés au nouveau coronavirus, a-t-il annoncé dans un communiqué.
«J’ai fait connaître clairement ma désapprobation de certains propos récents à l’ambassadeur de la République populaire de Chine en France, lors de sa convocation au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, ce mardi 14 avril au matin», a souligné le chef de la diplomatie française. «Certaines prises de position publiques récentes de représentants de l’ambassade de Chine en France ne sont pas conformes à la qualité de la relation bilatérale entre nos deux pays», a déploré le ministre, en référence à la campagne décomplexée menée par cette ambassade pour vanter la «victoire» du gouvernement chinois dans sa bataille contre le coronavirus et critiquer la gestion occidentale de cette épidémie.
Dimanche, l’ambassade de Chine en France a publié sur son site un long texte intitulé «Rétablir des faits distordus – Observations d’un diplomate chinois en poste à Paris». Les Occidentaux y sont notamment accusés de dénigrer injustement la Chine après avoir qualifié la maladie Covid-19 de «grippette» au début de l’épidémie et les Américains sont critiqués pour avoir limogé le commandant d’un porte-avions dont l’équipage est contaminé. Le texte accuse aussi – sans fournir de preuves – les membres du personnel soignant français des établissements pour personnes âgées (Ehpad) d’avoir «abandonné leurs postes du jour au lendemain (…) laissant mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie».
«Le Covid-19 est une pandémie qui touche tous les continents et toutes les sociétés. Face au virus et à ses conséquences sur nos économies, les polémiques n’ont pas leur place et la France oeuvre résolument en faveur de l’unité, de la solidarité et de la plus grande coopération internationale», a rétorqué mardi le ministre français des Affaires étrangères dans son communiqué.
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Le diplomate chinois Lu Shaye, pourfendeur de la presse canadienne, nommé ambassadeur en France
Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de l’arrivée prochaine de Lu Shaye à l’ambassade de Chine en France, en remplacement de l’ambassadeur actuel Zhai Jun. Le diplomate, âgé de 54 ans et qui parle couramment français, exerce depuis 2017 la fonction d’ambassadeur de Chine au Canada et s’est taillé la réputation d’ennemi des journalistes, qu’il accuse systématiquement de « relayer une image négative de la Chine » dès que leurs articles lui déplaisent. Un style peu diplomatique qui tranchera avec la relative discrétion de son prédécesseur.
« Un diplomate ne doit pas tenter d’intimider les médias du pays dans lequel il est posté et encore moins leur donner des instructions, rappelle Cédric Alviani, directeur du bureau Asie de l’Est de RSF. Le fait même que Lu Shaye soit encore ambassadeur en dépit de ses coups d’éclat est révélateur de l’attitude agressive et décomplexée avec laquelle Pékin tente d’imposer sa propagande hors de ses frontières. »
A peine arrivé en poste à Ottawa, en 2017, Lu Shaye n’a pas hésité à s’en prendre au gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau, estimant qu’il ferait mieux de « négocier un accord de libre-échange avec Pékin plutôt que de se prosterner devant les journalistes canadiens préoccupés par les droits humains en Chine. » Plus récemment, il a accusé les médias canadiens de relayer “l’égotisme occidental et la suprématie de la race blanche” et a dénigré leur travail en considérant qu’ils étaient moins bien placés que le peuple chinois pour juger du développement de la Chine. Il s’est aussi régulièrement plaint du caractère selon lui « biaisé » et « calomnieux » des articles dénonçant les persécutions des Ouïghours dans la presse canadienne.
Lu Shaye n’est pas le premier dignitaire chinois à s’attaquer aux médias étrangers. L’ambassadeur de Chine en Suède, Gui Congyou, s’est lui aussi lancé ces dernières années dans une véritable croisade contre les journalistes. En juin 2016, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, en visite officielle au Canada, avait aussi publiquement qualifié « d’irresponsables » les questions d’une journaliste portant sur les droits humains en Chine.
La Chine est l’une des plus grandes prisons du monde pour les journalistes, avec au moins 111 d’entre eux derrière les barreaux dans des conditions qui laissent craindre pour leur vie. Dans le Classement mondial RSF de la liberté de la presse 2019, le pays est classé au 177e rang sur 180.