Si l’on en croit le ministre des Affaires étrangères pour qui tout indique que les autorités syriennes se livrent à des attaques de chlore «en ce moment», la ligne rouge présidentielle clignote dangereusement.
À PEINE installé à l’Élysée, Emmanuel Macron en avait fait la promesse. L’utilisation d’armes chimiques en Syrie serait une « ligne rouge » qui, si elle était franchie, ferait l’objet d’une « riposte immédiate ». Y compris de la France seule. Si l’on en croit le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour qui tout indique que les autorités syriennes se livrent à des attaques de chlore « en ce moment », la ligne rouge présidentielle clignote dangereusement. « Dans une ligne rouge, il y a toujours la lettre et l’esprit », rappelle cependant Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). L’esprit, qui a été discuté avec les Américains, prend sans doute pour référence une attaque létale et d’envergure du type de celles qui ont été perpétrées à la Ghouta en 2013 et à Khan Cheikhoun en avril 2017. La première avait donné lieu à un projet de représailles dont s’était ensuite retiré Barack Obama, au grand dam de la France. La seconde avait été sanctionnée par une pluie de missiles de croisière américains envoyés par Donald Trump. On n’en est pas encore là. Les récents bombardements au chlore à Saraqeb dans le nord-ouest et à Douma près de Damas n’ont pas fait de morts. Ils font encore en outre l’objet d’une enquête des Nations unies. Mais la répétition des attaques, leur attribution au régime et le fait qu’elles aient été commises juste après la conférence internationale lancée par la France pour tenter d’interdire les armes chimiques pourraient bien faire basculer les choses. « La question d’une action militaire, symbolique, doit être posée », estime Bruno Tertrais.
Le jeu du Kremlin
Le sujet est au coeur de l’actualité internationale. Les Américains, qui se disent « alarmés » par les nouvelles attaques au chlore, n’excluent pas l’usage de la force. Leur agacement est nourri par l’attitude des Russes. Le Kremlin, qui avait orchestré la sortie de crise en août 2013 après l’attaque de la Ghouta, épargnant ainsi des frappes à son allié syrien, ne s’est pas assuré de la destruction intégrale de ses stocks chimiques.
Depuis, les Russes font tout pour protéger le régime de Damas des foudres antichimiques des Occidentaux. À l’automne, ils ont torpillé, grâce à leur veto au Conseil de sécurité des Nations unies, la mission internationale sur l’emploi des armes chimiques, le JIM, qui pointait la responsabilité de Damas. Plus récemment, ils ont tenté de retarder l’adoption d’une déclaration américaine condamnant les dernières attaques chimiques et affirmant que les responsables devraient « répondre de leurs actes ».
Le tabou des armes chimiques est brandi par la France, où la débandade américaine de 2013 a laissé des traces. Paris a toujours exercé une vigilance vis-à-vis des questions de prolifération. Et sur cette question au moins, les relations avec Donald Trump sont plus fluides qu’elles ne l’étaient avec Barack Obama. Mais comme le souligne Bruno Tertrais, « on ne peut se poser la question d’une action militaire sans étudier le contexte diplomatique et se demander si une telle action sert ou dessert nos intérêts ».