VIDÉOS – À la surprise générale, le chef du gouvernement Saad Hariri a annoncé ce samedi sa démission, accusant le Hezbollah chiite et son allié iranien de «mainmise» sur le Liban. Son père, Rafic Hariri, qui fut également premier ministre, a été assassiné en 2005.
Le premier ministre libanais, Saad Hariri, a annoncé ce samedi, à la surprise générale, sa démission en accusant le Hezbollah chiite, qui fait partie de son gouvernement, et son allié iranien de «mainmise» sur le Liban et en affirmant avoir peur d’être assassiné. «J’annonce ma démission du poste de premier ministre», a déclaré le chef du gouvernement, qui se trouve actuellement en Arabie saoudite, dans un discours retransmis par la chaîne satellitaire al-Arabiya. Dans sa diatribe, Saad Hariri s’est adressé directement à Téhéran. «Je veux dire à l’Iran et à ses inféodés qu’ils sont perdants dans leur ingérence dans les affaires de la nation arabe». «Notre nation se relèvera (…) et va couper la main qui lui portera préjudice», a-t-il prévenu.
Selon la chaîne de télévision saoudienne al Arabiya al Hadath, qui cite des sources anonymes, une tentative de meurtre contre Saad Hariri a été déjouée il y a deux jours alors qu’il se trouvait encore à Beyrouth. Interrogé à l’antenne d’une chaîne de télévision appartenant au premier ministre libanais, Thamer al Sabhan, ministre saoudien des Affaires du Golfe, a assuré que les agents chargés de sa sécurité disposaient «d’informations confirmées» sur une tentative d’assassinat. Les services de sécurité libanais ont dit tout ignorer de ce complot et nient être la source de l’information. «La répétition des accusations sans fondement contre l’Iran montre que cette démission est un nouveau scénario pour créer des tensions au Liban et dans la région», a de son côté réagi le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères.
Le dirigeant sunnite de 47 ans – qui détient également la nationalité saoudienne – était en fonction depuis le mois de janvier dernier et avait déjà été aux affaires de 2009 à 2011, à la tête d’un gouvernement d’«accord national», qui n’avait pas survécu au départ des ministres chiites du Hezbollah. Le système de partage du pouvoir au Liban entre communautés prévoit que le poste de chef de l’État revient à un chrétien maronite, actuellement Michel Aoun, celui de premier ministre à un sunnite et celui de président du Parlement à un chiite.
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«J’ai senti ce qui ce tramait dans l’ombre pour viser ma vie», a dit Hariri, affirmant que le Liban vivait une situation similaire à celle qui prévalait avant l’assassinat en 2005 de son père Rafic Hariri, lui aussi ancien premier ministre.
Le Liban encore hanté par l’assassinat de Rafic Hariri
Son père, qui fit fortune en Arabie saoudite et qui dirigea plusieurs gouvernements de 1992 à 2004, fut tué le 14 février 2005 à Beyrouth lors d’un attentat-suicide à la bombe. Chargée de 1800 kg d’explosifs, la camionnette utilisée le tua, ainsi qu’une vingtaine de passants. Hariri père s’opposait à l’influence de la Syrie, notamment à la présence depuis presque trois décennies de l’Armée syrienne au Liban. Quelques mois avant son assassinat, reçu à Damas, Rafic Hariri avait été vivement interpellé par le président syrien Bachar al-Assad, qui avait menacé de «briser le Liban sur [sa]tête». Si aucun jugement n’a encore été rendu, cinq membres du Hezbollah sont mis en cause dans ce meurtre qui a ébranlé le Liban. Les services secrets syriens et iraniens sont aussi soupçonnés.
Les forces armées du régime de Bachar al-Assad ont fini par quitter le Liban le 26 avril 2005. Ce retrait syrien faisait suite à la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en septembre 2004 à l’initiative de Washington et Paris. Ce texte visait non seulement le départ des soldats syriens, mais également le désarmement de toutes les milices présentes sur le territoire libanais, à commencer par le Hezbollah.
Influence de l’Iran sur fond de guerre en Syrie
Cette dernière exigence n’a pas été appliquée. Seul parti libanais a avoir gardé ses armes après la fin de la guerre civile au Liban (1975-1990), le Hezbollah, soutenu par l’Iran, refuse d’abandonner son arsenal, principale pomme de discorde dans le pays.
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À partir de 2011 et l’éclatement de la guerre civile en Syrie, le Hezbollah s’est révélé être un soutien militaire de poids du régime de Bachar al-Assad, aux côtés de l’Iran. «L’Iran a une mainmise sur le destin des pays de la région (…) Le Hezbollah est le bras de l’Iran non seulement au Liban mais également dans les autres pays arabes», a lancé ce samedi le premier ministre démissionnaire. Il a accusé Téhéran d’avoir «créé des dissensions parmi les enfants d’un même pays, créé un Etat dans l’Etat (…) jusqu’à avoir le dernier mot dans les affaires du Liban». Et «ces dernières décennies, le Hezbollah a imposé une situation de fait accompli par la force de ses armes», a ajouté Saad Hariri qui, après sa première démission en 2011, avait dû quitter le Liban. En plus de ses déboires financiers – Oger, le géant familial de la construction, est aujourd’hui criblé de dettes – Hariri fait face à une contestation croissante de sa prééminence dans les rangs sunnites au Liban, certains l’accusant de «mollesse» face au Hezbollah.
Pour hâter son retour au pouvoir en juin 2016, Saad Hariri avait provoqué un coup de théâtre en annonçant son soutien à son contempteur, Michel Aoun, élu ensuite à la tête de la présidence de la République. Le président libanais, chrétien maronite comme le veut la Constitution libanaise, tient un discours plus mesuré sur le Hezbollah et la Syrie. «Le Hezbollah a modifié sa ligne politique et a respecté la souveraineté libanaise», déclarait dans un récent entretien au Figaro le président de 82 ans, ancien général qui fut à l’origine de la «guerre de libération» contre l’occupant syrien dans les années 1970, mais qui préfère aujourd’hui parler de «distanciation par rapport aux problèmes politiques internes à la Syrie». A propos du premier ministre démissionnaire, le bureau de presse du président Aoun a annoncé que ce dernier allait attendre le retour de Saad Hariri pour s’informer auprès de lui «des circonstances de la démission afin de décider de la suite».