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La guerre contre le Hamas à Gaza, l’intervention militaire contre le Hezbollah au Liban et les opérations de destruction des équipements militaires de Bachar el-Assad ont affaibli l’axe iranien dans la région.
Pas plus que les autres puissances Israël n’avait vu venir le brusque effondrement du régime de Bachar el-Assad. Mais à peine était-il confirmé que Tsahal, l’armée, envoyait ses avions à l’assaut des équipements militaires du dictateur déchu. Une rapidité d’action qui s’explique par « l’opportunité extraordinaire », selon les mots d’un diplomate, d’affaiblir l’Iran, l’ennemi existentiel d’Israël.
« La Syrie était la zone pivot de l’Iran pour le trafic d’armes dans la région. Dans cet État failli, les Iraniens avaient installé de nombreuses structures militaires et entraînaient leurs terroristes. En frappant les cibles syriennes, nous affaiblissons le croissant chiite iranien », résume Avital Leibovitch, la directrice de l’American Jewish Comitee (AJC) à Jérusalem, à l’occasion de rencontres organisées par le comité. La flotte, l’aviation, la défense antiaérienne, les missiles et les dépôts de munitions ont été visés par les frappes israéliennes. Mais Tsahal a aussi pris pour cibles les installations chimiques du régime syrien.
« L’objectif était de détruire le plus d’équipements militaires possible et le plus rapidement possible afin d’empêcher le Hezbollah de mettre la main dessus. Si cela avait été le cas, cela aurait été la fin du cessez-lefeu au Liban », explique un diplomate israélien. Les actions de Tsahal seront-elles suffisantes ? « Sans doute pas. Nous n’avons pas les moyens de vérifier tous les mouvements des groupes pro-iraniens entre le Liban et la Syrie. Le danger d’infiltration nous menace de toutes parts. Mais nous gérons le plus urgent et le plus grave », poursuit-il. En s’emparant de la zone tampon du Golan jusqu’à la fin de l’hiver, l’État hébreu a aussi sécurisé sa frontière au nord. « Avec la chute de Bachar el-Assad, la situation n’est pas meilleure pour nous, car le chaos peut vite s’installer. Mais, au moins, l’Iran n’a plus le contrôle de la Syrie, comme c’était le cas depuis 2015 », explique Udi Dekel, spécialiste de l’Institut pour les études de sécurité nationale (INSS).
Pour Israël, au commencement comme à la fin se trouve l’Iran. Et la nécessité d’empêcher que l’un de ses affidés dans la région ne commette un nouveau 7 Octobre, le massacre qui a fait trembler les fondations de l’État hébreu et nourrit toujours, un an après, un traumatisme collectif. À Jérusalem, on considère que tout ce qui peut affaiblir les « plateformes » de la République islamique au Moyen-Orient participe à la défense d’Israël. C’est la raison avancée par le gouvernement pour justifier la poursuite de sa guerre à Gaza. « Le Hamas a été militairement détruit. Mais il tente de se refaire en recrutant des adolescents pour le combat. Par ailleurs, il n’a pas été défait au niveau gouvernemental. Il essaie de reprendre la main sur les affaires intérieures », affirme Avital Leibovitch.
Mais après l’écrasante réponse aux massacres du 7 octobre à Gaza, après la forte réplique aux attaques du Hezbollah au Liban, après la destruction des infrastructures militaires en Syrie, Israël, grâce à ses guerres, peut se targuer d’avoir considérablement affaibli l’axe pro-iranien dans la région. Les coups reçus par les groupes soutenus par l’Iran ont atteint par rebond Téhéran, où le régime n’a pas été aussi faible depuis très longtemps. « L’Iran a compris que ses relais au Moyen-Orient ne pouvaient pas abattre Israël. Il a perdu le Hamas. Il a perdu le Liban et le Hezbollah. Il est en train de perdre la Syrie. Le régime se retrouve seul. Il réalise que la stratégie mise en place depuis quinze ans, envoyer ses groupes à l’assaut d’Israël pour détourner l’État hébreu de la question principale, le nucléaire, ne fonctionne plus », analyse Udi Dekel.
Comme beaucoup, il s’interroge sur la tentation que pourrait avoir l’Iran, privé de la protection et de la dissuasion de ses affidés au Moyen-Orient, de franchir l’étape ultime qui le sépare du statut nucléaire, en décidant de fabriquer une ou plusieurs bombes. Une telle décision, qui entraînerait un effet domino nucléaire dans la région, changerait profondément la donne au Moyen-Orient. Les gouvernements israéliens ont toujours affirmé qu’ils ne laisseraient pas les choses en arriver là. D’où la question régulièrement posée : « Est-ce le temps pour Israël d’attaquer les centrales nucléaires maintenant, avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche ? C’est une question en discussion », confirme l’expert de l’INSS. Le danger d’une opération militaire destinée à dégrader les installations nucléaires iraniennes est moindre qu’avant, juge-t-on à Tel-Aviv. « Il y a encore quelques mois, nous aurions eu peur d’une réponse dévastatrice du Hezbollah contre Israël. Cette crainte n’est plus d’actualité depuis la guerre au Liban. L’Iran, de surcroît, n’a plus les moyens de se protéger d’une intervention extérieure », souligne Udi Dekel, à l’occasion d’une rencontre avec la délégation de l’AJC. Lorsqu’il a répondu à l’attaque massive de missiles contre Israël, en octobre, Tsahal a en effet détruit les défenses antiaériennes de l’Iran. Le spécialiste le reconnaît cependant : « C’est peut-être le moment d’attaquer. Mais mieux vaudrait le faire en coalition, notamment avec les États-Unis. »
Or, sur cette question comme sur tant d’autres, Donald Trump est pour l’instant resté ambigu. Son entourage livre des signes contradictoires de ce qui pourrait former sa politique iranienne. D’un côté, la « pression maximale », et de l’autre, des négociations pour obtenir un « good deal » sur le nucléaire. Avec son franc-parler, Avital Leibovitch, elle, ne croit guère à un nouvel accord. « Rien ne sera possible avec ce régime. Les sanctions n’agiront ni sur les centrales nucléaires ni sur la volonté des Iraniens d’acquérir l’arme nucléaire, ce qui est leur priorité depuis trente ans. Les négociations autour d’une table, ça ne marche pas dans cette partie du monde. Tout risque de se terminer par le bombardement des installations nucléaires iraniennes. Soit par Donald Trump et Israël, soit par Israël seul. » Seule certitude : l’Iran est l’objectif final d’Israël, dans sa quête de sécurité. Ou plutôt son régime. La semaine dernière, le premier ministre, Benyamin Netanyahou, s’est adressé au peuple iranien à la télévision, en commentant l’actualité syrienne : « Vos tyrans ont investi plus de 30 milliards de dollars pour soutenir Assad en Syrie. Après seulement onze jours de combats, ce régime s’est effondré en poussière. Un jour, l’Iran sera libre. »
Dans ce combat pour la sécurité et contre l’Iran, les Israéliens aimeraient entraîner l’Europe, et notamment la France, proche du Liban. « Au Liban comme en Syrie, nous n’agissons pas seulement pour Israël. Mais pour l’Europe aussi. En limitant les capacités des groupes terroristes pro-iraniens, nous rendons le monde meilleur et nous affaiblissons la principale force déstabilisatrice de la région », assure un haut diplomate israélien. La Syrie a, selon lui, ouvert une nouvelle opportunité d’« éteindre les voix extrémistes », comme la guerre au Liban a fourni l’occasion de débarrasser l’État libanais du Hezbollah. « Mais les opportunités ne tombent pas du ciel. Il faut les saisir et les provoquer. Peut-être que Donald Trump va agir. Mais vous, en Europe, vous craignez davantage Trump que Vladimir Poutine ! Arrêtez d’avoir peur de lui et de penser qu’il ne peut faire que des choses négatives ! », poursuit-il. Avec ses missiles balistiques qui menacent les pays européens, l’Iran devrait, selon les diplomates israéliens, être une priorité aussi urgente que l’Ukraine…